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Rapport Gagné: tempête dans la canne de sirop

Photo: Archives Métro

La semaine dernière, le rapport Gagné «Pour une industrie acéricole forte et compétitive», a été publié. Depuis, le sirop bout! Plusieurs voix s’élèvent tantôt pour décrier le rapport, tantôt pour le défendre. À travers tout ce brouhaha, nous, simples mangeurs de crêpes, sommes un brin mélangés.

Mardi, ils étaient plus d’un millier d’acériculteurs à Québec derrière la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (une branche de l’UPA) à dénoncer le rapport de l’ancien sous-ministre Florent Gagné.

Demain, ils devraient être plusieurs acériculteurs à se rassembler dans la Capitale nationale pour appuyer le rapport et presser le gouvernement d’agir.

Il s’agit en effet d’un dossier complexe, dont on ne fera ici qu’effleurer les grandes lignes pour tenter d’y voir plus clair. État des lieux.

Comment ça fonctionne en ce moment dans l’industrie acéricole?
Depuis quelques jours, les termes «plan conjoint», «contingentement», «mise en marché collective» sont sur toutes les lèvres.

En 1956, le Québec s’est doté d’une loi: la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Le plan conjoint est le mécanisme central mis à la disposition des producteurs agricoles pour concrétiser cette mise en marché collective. Selon l’Union des producteurs agricoles, aujourd’hui, au Québec, «c’est plus de 76% des produits agricoles qui sont mis en marché collectivement», dont le sirop d’érable. Le secteur acéricole s’est doté d’un plan conjoint en 1989.

Actuellement, au Québec, les producteurs peuvent vendre leur sirop de trois façons.

  1. Directement au consommateur en contenants de moins de 5 litres. Ce canal n’est pas soumis au Plan conjoint et représente environ 10% de la production.
  2. Vente à un intermédiaire en contenants de moins de 5 litres. Ce canal est soumis au Plan conjoint depuis 2001, au grand dam des producteurs et des producteurs-transformateurs. Il représente environ 5% de la production.
  3. La vente en vrac en contenants de plus de 5 litres à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ). Ça représente le reste de la production, soit environ 85%.

Le rapport Gagné, que dit-il?
Tout d’abord, le rapport Gagné souligne que le secteur acéricole se porte bien. Le Québec produit plus de 100 millions de livres de sirop par année dans les quelque 7200 érablières de la province. Les 13 5000 acériculteurs ont entaillé environ 43 millions d’érables en 2015. Au cours des cinq dernières années, les ventes de la Fédération se sont accrues d’environ 10% par année, peut-on lire dans le rapport. Tout va bien dans le meilleur des mondes, n’est-ce pas?

Eh bien non. La compétition s’en vient. Et solide à part de ça. Les États-Unis ont flairé la bonne affaire et s’en viennent concurrencer notre sirop. Alors qu’il produisait plus de 80% de la production mondiale il y a encore quelques années, le Québec en produit aujourd’hui 70%, et sa part relative sur le marché semble vouloir encore diminuer. Entre 2007 et 2015, le nombre d’entailles a augmenté de 45% dans les États américains, tout comme sa production de sirop entre 2007 et 2012. Au niveau du potentiel, les États-Unis auraient un potentiel d’entailles de 200 millions, alors que le Québec, lui, de 100 millions. C’est sans compter que les érablières outre-Québec ne sont soumis à aucune barrière commerciale, elles oeuvrent dans un marché libre.

Au Québec, c’est la Fédération des producteurs acéricoles qui tient les cordons de la bourse et c’est à ça que M. Gagné suggère de s’attaquer. Il ne recommande pas l’abolition du plan conjoint, mais plutôt une simplification, une libéralisation, un allègement et un rafraichissement du système, pour être plus compétitif dans un marché où nous ne sommes plus les seuls joueurs.

Il recommande toutefois «d’abandonner le contingentement de la production d’eau d’érable, de concentré et de sirop d’érable». Ce que ça veut dire? Comme on peut le lire sur le site de la FPAQ, «l’objectif fondamental du contingentement est d’ajuster l’offre de sirop d’érable avec la demande mondiale pour stabiliser les prix, favoriser les investissements dans le secteur acéricole et permettre le maintien en production de toutes les tailles d’entreprises acéricoles dans toutes les régions productrices du Québec». C’est le même concept qu’avec les quotas de lait par exemple. Chaque producteur doit posséder un contingent, un droit de produire x livres de sirop qu’il vendra par la suite à la Fédération.

Le contingent global est de 110 millions de livres par année. Le rapport Gagné qualifie cette pratique de «contraignante pour les producteurs» et dit que «le Québec freine son développement dans une course internationale où les autres acteurs accélèrent».

Le rapport Gagné comprend une liste de 21 recommandations que vous pouvez lire ICI

Qui est pour et pourquoi?
L’association des érablières-transformateurs des produits de l’érable (AETPE), qui représentent environ 500 érablières, demande au gouvernement d’aller de l’avant avec les propositions du rapport Gagné. La production de ces acériculteurs a été soumise au plan conjoint en 2001 et depuis ils demandent d’en être exclu. Pour ces producteurs qui récoltent, entreposent, conditionnent, embouteillent et vendent eux-mêmes leur production, il est très contraignant de devoir se soumettre aux règles de la mise en marché collective. Ils ont fait une déclaration conjointe cette semaine avec le Conseil des entrepreneurs agricoles et Les céréaliers du Québec.

L’Union paysanne soutient quant à elle la manifestation de vendredi devant l’Assemblée nationale en appui au rapport.

Qui est contre et pourquoi?
Sans surprise, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, filière de l’Union des producteurs agricoles, s’oppose vivement au rapport et accuse M. Gagné de vouloir «ruiner les producteurs acéricoles et déstabiliser toute une filière». La FPAQ dit que le rapport est «non fondé» et que plusieurs «recommandations sont irresponsables». Pour elle, «un retour en arrière veut dire des variations des prix extrêmes, un sirop de qualité inégale, des producteurs qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, etc.»

C’est sûr que pour une fédération qui a le monopole d’un secteur, les changements et la flexibilité peuvent sembler… effrayants.

Quoi qu’il en soit, la balle est maintenant dans le camp du ministre Pierre Paradis. Un dossier à suivre.

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