Les grues se multiplient, mais à quel prix?

Suis-je le seul à m’inquiéter en voyant ce géant nord-américain de l’immobilier, Cadillac Fairview, sortir son chéquier pour transformer complètement l’aspect de notre centre-ville?

Je fais évidemment allusion, ici, à cette importante annonce de vendredi dernier durant laquelle le groupe a présenté la plus récente mise à jour de son plan de développement immobilier au cœur de Montréal. D’ici 2030, Cadillac Fairview prévoit avoir érigé pas moins de neuf gratte-ciel à proximité du Centre Bell, soit six à vocation résidentielle et trois dédiés au milieu 
des affaires.

La nouvelle, en soi, a de quoi réjouir. Après tout, un promoteur de cette envergure voit suffisamment de potentiel dans la métropole pour y réaliser des investissements frôlant… les 
2G$! Ce n’est pas rien, surtout dans un contexte où Montréal tente de se sortir d’un certain marasme afin de regagner son statut de ville incontournable à 
l’échelle internationale.

L’arrivée de nouveaux occupants dynamisera grandement le secteur et profitera indéniablement aux restaurants ainsi qu’aux commerçants qui ne roulent pas nécessairement sur l’or depuis quelques années. Sans oublier qu’on rentabilisera finalement des terrains vacants (ou utilisés comme stationnements à ciel ouvert) en générant de nouvelles taxes foncières pour renflouer les coffres municipaux.

Ceci étant dit, est-il sain de laisser un investisseur privé s’emparer de tout un quadrilatère dans un secteur aussi névralgique? Rappelons-nous simplement l’épisode Griffintown avec le promoteur immobilier Devimco, qui a bien failli redévelopper, selon sa seule et unique vision, tout un secteur industriel désaffecté. Plusieurs groupes sont montés aux barricades, avec raison, pour dénoncer cette prise de contrôle du secteur privé au détriment d’un aménagement bien réfléchi pour l’ensemble de la collectivité. Revivra-t-on le même scénario au centre-ville?

L’administration Coderre doit mettre ses culottes dès maintenant et exiger de Cadillac Fairview un développement immobilier exemplaire. Exemplaire sur le plan architectural afin d’attirer des touristes et d’éviter la construction de tours insipides comme celles qui se dressent dans la plupart des villes nord-américaines; exemplaire sur le plan environnemental pour minimiser la consommation d’énergie dans ces futurs gratte-ciel et pour réduire significativement les îlots de chaleur; exemplaire sur le plan urbanistique pour créer des espaces verts qui amélioreront la qualité de l’air et favoriseront l’essor de l’agriculture urbaine; exemplaire également dans son développement territorial pour favoriser la mixité sociale dans le quartier.

Est-ce trop demandé? Pas du tout. C’est un privilège (et non pas une fleur) qu’offre la Ville de Montréal à ces investisseurs de pouvoir bâtir sur son territoire. Nous sommes donc en droit d’exiger des conditions gagnantes pour que nous puissions profiter mutuellement des retombées de ce projet. Pensons à l’avenir de notre métropole avant de réfléchir à celui de 
Cadillac Fairview.