Que le spectacle commence!
L’architecte Paul Laurendeau avait pris l’habitude, ces derniers mois, de me faire parvenir des petits courriels pour me tenir informé de l’évolution du plus important chantier de sa carrière, l’amphithéâtre de Trois-Rivières.
Il faut dire que le Montréalais a méticuleusement suivi toutes les étapes de son chantier, et son grand souci du détail l’a incité à se rendre pratiquement toutes les semaines en autobus à Trois-Rivières (il n’a pas de voiture) ces deux dernières années. Il tenait mordicus à ce que son concept, présenté à la population suite au concours d’architecture provincial, en 2010, soit bien respecté.
Dans ses courriels, on sentait un peu d’anxiété quant à la monumentalité de la structure qu’il a conçue, et qui côtoie depuis peu les rives du fleuve Saint-Laurent. Il se questionnait également sur l’omniprésence du rouge vif qui ceinture l’ensemble de l’édifice. Était-ce exagéré d’en mettre autant?
À quelques jours de l’ouverture officielle, l’architecte semble finalement en paix avec lui-même. Ses craintes se sont envolées, comme j’ai pu le constater en visitant le chantier en sa compagnie le week-end dernier. «J’ai plus peur de ce que tu vas écrire que de la réception du public!», s’est-il exclamé en riant.
Avait-il réellement à craindre ma chronique? Aucunement. Son œuvre de 50 millions de dollars, ayant pour objectif de remettre Trois-Rivières «sur la mappe», est remarquable. Tout a été soigneusement réfléchi avec un architecte de la région, François Beauchesne, du positionnement des 3500 sièges jusqu’à la flexibilité de l’espace scénique. Ce dernier peut s’adapter à une panoplie d’événements, d’un concert rock au Cirque du Soleil qui s’y produira d’ailleurs en juillet prochain.
À l’intérieur, la lumière naturelle inonde la zone administrative, les loges, le hall d’entrée et la billetterie. L’utilisation de la couleur (dont le rouge, une fois de plus) est bien dosée, alors que des lustres suspendus, en imitation de verre, viennent habiller sobrement les principales pièces de l’édifice.
Le clou du spectacle reste cependant l’imposante toiture, qui tranche dramatiquement avec le ciel bleu et les arbres matures du secteur. «L’architecture, c’est l’art de développer des volumes, m’expliquait-il. Je ne voulais pas que la forme de mon bâtiment soit dictée, par défaut, par la cage de scène (comme c’est souvent le cas dans les salles de spectacles). J’ai donc décidé de monter la toiture au-dessus de la cage de scène pour venir l’absorber et créer une nouvelle volumétrie.»
Le résultat est fort impressionnant, rappelant la toiture du Palais de la Culture et des Congrès de Lucerne, en Suisse, signée par le réputé architecte français Jean Nouvel.
Cela dit, l’architecte avoue qu’il a été difficile de conserver l’entièreté de son concept au fil du processus. «J’ai suscité plusieurs débats sur le chantier. Il y a eu des remises en question», m’a-t-il confié. Pour la toiture. Pour les colonnes. Avec les scénographes. «J’ai souvent dû défendre mes idées avec des images [des modélisations 3D], poursuit-il. Mais l’essentiel est resté. C’est ce qui compte.»
Pour voir le portfolio complet de l’architecte: www.paullaurendeau.com