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Quand la mort devient banale

Legs of young woman in jeans and leather boots crossing street on zebra marking Photo: Getty Images/iStockphoto

Combien de décès tragiques a-t-on dû constater en province avant que la classe politique tout entière se mobilise contre les chiens dangereux, tels que les pitbulls?

Un seul décès, en juin à Pointe-aux-Trembles, quand une femme de 55 ans a perdu la vie dans sa cour arrière après avoir été attaquée et mutilée par un pitbull enragé.

Un seul homicide canin, additionné à des cas de morsures, pour que nos élus, de Québec à Montréal, en passant par Longueuil et Brossard, procèdent à des révisions de leurs réglementations respectives au nom de la sécurité publique.

Un seul, et c’est tant mieux. Après tout, un tel drame doit faire réagir, provoquer des débats et susciter des réflexions pour éviter qu’il ne se reproduise.

Mais comment expliquer que d’autres types de décès ou de blessés graves n’attirent pas la même attention politique? Prenons simplement le cas des piétons et des cyclistes. À Montréal, il ne passe pratiquement plus une semaine sans qu’un enfant, un ado ou un aîné perde la vie ou soit grièvement blessé en circulant sur l’île.

Pas plus tard que le week-end dernier, un piéton a été grièvement blessé par une voiture alors qu’il traversait la rue Jarry Est, dans le quartier Villeray. Cinq jours plus tôt, une dame de 50 ans a été happée par un autobus alors qu’elle traversait la rue, dans Westmount, subissant de sérieuses blessures au haut du corps. Le 8 juillet, une voiture avait happé un cycliste de 15 ans dans Rosemont. Résultat: un traumatisme crânien. Et ainsi de suite.

A-t-on entendu Denis Coderre ou son responsable des transports, Aref Salem, réagir à ces accidents? Non. En fait, ces derniers tombent bêtement dans la colonne des faits divers, même lorsqu’il y a décès. C’est devenu banal comme nouvelle.

Pourquoi? La mort d’un piéton ou d’un cycliste est-elle moins importante que celle liée à une agression canine? N’importe quel politicien répondrait évidemment non à cette question, affirmant qu’un décès sur le réseau routier est toujours un décès de trop.

Reste qu’en pratique, l’action politique est à géométrie variable à la suite de tels événements. Prenons simplement l’exemple du triangle au sud du parc La Fontaine, délimité par Sherbrooke, Cherrier et l’avenue du Parc-La Fontaine. De 2005 à 2014, 94 accidents (!) y ont été répertoriés, dont plusieurs avec blessés graves. Les élus du secteur viennent à peine d’annoncer qu’on apportera des modifications au secteur, en restreignant notamment l’accès aux automobilistes. Mieux vaut tard que jamais.

Mais à quand une vision globale, un plan d’action concret (et un budget!) pour sécuriser les rues problématiques, pour sensibiliser davantage les usagers de la route aux comportements à adopter?

Je ne peux m’empêcher de citer l’exemple de New York, qui a instauré, sous l’ère Bloomberg, Vision Zero, une stratégie visant à réduire à zéro, comme son nom l’indique, le nombre de décès de piétons et de cyclistes sur le réseau routier. Le plan vise à repenser complètement la façon de concevoir la ville afin d’apaiser la circulation, tout en favorisant la marche et le vélo.

En novembre 2013, à la suite de l’élection de Denis Coderre, j’avais d’ailleurs rédigé une chronique sur le sujet, me demandant si notre nouveau maire allait s’inspirer des efforts de la Ville de New York pour redonner une échelle plus humaine à sa métropole. On attend toujours.

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