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Jean-Luc Boulay: chasser la saveur boréale

Photo: André-Olivier Lyra

Le grand chef du Saint-Amour, à Québec, publie ces jours-ci Le garde-manger boréal, avec son complice de Chez Boulay bistro boréal, Arnaud Marchand. Dans ce livre de recettes, les deux chefs souhaitent exposer aux Québécois la richesse qui se cache dans leur immense forêt boréale.

Qu’est-ce que la cuisine boréale?
Je crois qu’il faut plutôt parler de saveur boréale. Elle a toujours existé. Les autochtones s’en servaient beaucoup, autant pour se guérir que pour se nourrir, mais ç’a été complètement oublié avec la mondialisation. On travaille beaucoup avec des produits italiens, espagnols, français, portugais et on a oublié les produits de chez nous. Le but du bistro et du livre est de faire connaître la saveur de la forêt boréale. Tout le monde connaît les herbes de Provence, les currys, les garam masalas, mais personne ne connaît les herbes et les épices boréales.

Notre garde-manger est cinq fois grand comme la France. Je trouve qu’on a sous-estimé notre territoire, notre terroir. Je suis sûr que chez vous, vous cuisinez avec de l’huile d’olive, alors qu’ici, on a l’huile de pépins de canneberge, de caméline ou de chanvre.

Je voyage beaucoup et quand je suis ailleurs, je mange les spécialités du coin. Quand ils viennent au Québec, les touristes veulent savoir quelle est la saveur du Québec. Eh bien, la saveur du Québec est dans la forêt boréale. Le nard de pinèdes, le poivre des dunes, les petits fruits comme l’amélanchier, l’aronie, le sureau, le myrique baumier… On ne s’en sert pas.

Avant de la faire découvrir aux touristes, il faut qu’on la découvre nous-mêmes, parce qu’on ne la connaît pas, la saveur du Québec.
D’où le livre. Le livre est pour réveiller un peu les Québécois et dire: «Regardez, on a ce qu’il faut chez nous.» Au Québec, avec le garde-manger qu’on a, les bords de rivière, les bords du fleuve, les forêts, imaginez les trésors qu’il y a.

On parle beaucoup de la cuisine nordique des pays scandinave. Comment faire nous pour se démarquer dans ce courant là?
Les pays scandinaves se sont illustrés par des concours, comme le Bocuse d’Or. Il y a eu le Noma, élu cinq années de suite comme meilleur resto au monde. Mais on n’est pas des twit ici, il y a des super chefs, du talents comme c’est pas possible, des producteurs géniaux; on peut être aussi reconnu que les pays scandinaves. On y arrive, ça prend du temps mais il faut être patient.

Est-ce un peu ironique que ce soit deux chefs d’origine française qui mettent en valeur le terroir québécois?
Oui et non. Non parce que quand on vit sur place, on n’est pas conscient de la richesse de notre terroir. Il faut que ça vienne de quelqu’un d’autre!

Si on veut introduire ces aliments dans notre alimentation, par quoi commence-t-on?
Je pense qu’il faut acheter les livres de Fabien Girard [d’Origina, au Lac-Saint-Jean, qui signe la préface du livre] pour identifier les herbes, les fruits et les plantes sauvages, et aller se promener dans la forêt. Avec les photos et les descriptifs, on ne peut pas se tromper. Il ne faut pas ramasser n’importe quoi, n’importe quand, n’importe où parce qu’il y a quand même 10% des petits fruits et des herbes qui sont toxiques.

On trouve de plus en plus de produits boréaux dans les épiceries fines aussi. Quand il y a une demande, les industriels embarquent. Il y a 10 ans, il n’y avait aucune plantation d’argousiers, maintenant, trois ou quatre producteurs cultivent ces baies.

Sommes-nous loin de pouvoir dire que nous avons une cuisine québécoise, boréale?
On évolue énormément quand même. Cependant, sur le plan des océans, des plantes, des petits fruits, il y a encore beaucoup de travail à faire. Ça prend du temps; ça s’étend sur plusieurs générations. Les jeunes vont continuer le processus dont nous-mêmes avons hérité de nos prédécesseurs, et c’est comme ça qu’on va finir par avoir une vraie identité culinaire.

«Quand on a décidé d’ouvrir Chez Boulay bistro boréal, il y a cinq ans, Arnaud [Marchand, copropriétaire et chef du restaurant] ne connaissait rien aux produits boréaux, c’était du chinois pour lui. Mais il s’est bien entouré, avec des chercheurs, comme Fabien Girard, Morilles Québec… En cinq ans, Arnaud est passé de zéro à expert en saveur boréale. Environ 80% des produits sur la carte du bistro aujourd’hui sont des produits boréaux.»

La forêt dans votre garde-manger

Quelques produits à ajouter à vos plats pour leur donner une saveur boréale.

  • Sapin baumier. Les jeunes pousses de sapin baumier peuvent remplacer le romarin.
  • Boutons de marguerite. Remplacent les câpres.
  • Poivre des dunes. Remplace le poivre noir.
  • Nard de pinèdes. La cardamome, la cannelle ou le clou de girofle peuvent être remplacés par le nard de pinèdes.
  • Cœurs de quenouille. Semblables aux cœurs de palmier.
  • Myrique baumier. Remplace les feuilles de laurier.


Le garde-
manger boréal
Les Éditions de l’Homme
Par Arnaud Marchand et Jean-Luc Boulay

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