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Montréal, ville nostalgique?

Le Musée Pointe-à-Callière
L'édifice du Musée Pointe-à-Callière Photo: Yves Provencher/Métro


bandeau spécial nostalgieMultiplication dans la ville des petites places publiques, intérêt pour l’appropriation des ruelles, retour à des éléments architecturaux néo-modernes: peut-on parler de nostalgie quand on considère l’architecture et les aménagements urbains à Montréal ou encore, le rapport au patrimoine? Il semblerait que non… Sauf exceptions.

«Est-ce que c’est nostalgique ou est-ce une nécessité d’avoir des lieux d’échange, des lieux communautaires? réfléchit à voix haute François Racine, professeur au département d’études urbaines et touristiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Je pense que les humains en ont toujours eu besoin, c’est juste qu’on les a délaissés pour des lieux plus privatifs».

Sa collègue, Claire Poitras, directrice du centre Urbanisation Culture Société de l’INRS et professeure-chercheure en études urbaines, abonde dans le même sens. «La nostalgie, c’est comme [de dire que] c’était mieux avant. Je ne pense pas qu’avant, c’était mieux. Je pense que maintenant, c’est mieux! (rires) Même si on puise dans des pratiques ou des éléments qui font référence à la ville d’avant l’automobile. C’est qu’on s’adapte au rythme de vie d’aujourd’hui.» Ainsi, les aménagements d’aujourd’hui répondent à des besoins actuels, même si certains de ces besoins ne sont pas complètement nouveaux.

«En architecture, en aménagement, on ne va pas reproduire quelque chose qui était déjà là. Si c’est construit en 1992, il faut qu’on sache que c’est construit en 1992. La ville se lit comme ça de toute façon.» – Claire Poitras, directrice du centre Urbanisation Culture Société de l’INRS et professeure-chercheure en études urbaines

On navigue davantage dans les idées de réappropriation et de continuité que dans la réplique ou l’imitation nostalgique. «Quand on parle de la nostalgie et du patrimoine, on ne se limite pas aux vieilles maisons du régime français, affirme Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal. Pensons, par exemple, au site associé à l’Expo 67. C’était un moment super, et pour beaucoup de gens, il y a une nostalgie de l’esprit de l’Expo, qui est un esprit libérateur, ouvert sur le monde, qu’on essaie de retrouver aujourd’hui.» Selon M. Bumbaru, des sites comme celui de la Biosphère ou la Place des Nations évoquent quelque chose de mieux que ce qu’ils dégagent aujourd’hui. On ne désire toutefois pas, croit-il, revenir à cette époque. Il fait plutôt valoir qu’on veut retrouver «un esprit associé à des lieux», sans vouloir transformer Montréal en ville-musée.

«Souvent, le terme “nostalgie”, c’est une façon de dénigrer. C’est un terme qui est un peu négatif, alors que dans certains cas on pourrait simplement dire: “comment va-t-on perpétuer des valeurs ou des éléments qui traversent le temps ou qui devraient traverser le temps?”» – Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal

En architecture, le portrait est semblable. Quand on reprend, maintenant, certains éléments du passé, c’est davantage pour s’ancrer dans le contexte que par nostalgie. Le musée Pointe-à-Callière (inauguré en 1992), de l’architecte Dan Hunganu, est en ce sens cité en exemple. «À partir de ce moment-là, on est revenu dans l’idée de réconcilier la modernité architecturale avec la ville, raconte François Racine. Pour ne pas perdre les acquis de la modernité, de la pureté de l’espace, les constructions de béton, les possibilités de la technologie, mais de reconnecter ça avec l’histoire. [C’est] plus une réinterprétation de l’histoire, tout en prenant en compte les acquis du mouvement moderne».

Mais avant, «il a fallu passer par la nostalgie, affirme M. Racine. Il a fallu passer par les années 1980, [avec le post-modernisme]. [À cette époque], on a commencé à valoriser, à retourner à ce décorum que pouvait avoir l’architecture historique. C’était comme de dire que les anciens bâtiments avaient des qualités.» Monumentalité, qualité d’exécution, amour des détails ornementaux… On a cherché, dans les années 1980 jusqu’aux années 1990-2000, à retrouver ces caractéristiques plus anciennes, un certain savoir-faire présent antérieurement, dans un esprit qui évoque la nostalgie. Cette époque est toutefois révolue.

«Au niveau de l’architecture, c’est vraiment le mouvement post-moderne qui a été l’élément où on est arrivé avec une idée nostalgique. Ça été un cycle nécessaire pour revisiter l’histoire, et là, avec ce bagage-là, on fonce vers l’avenir.» – François Racine, professeur au département d’études urbaines et touristiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Aujourd’hui, «quand on dit “architecture contemporaine”, ça a l’air d’une terminologie qui n’est pas nostalgique, précise de son côté M. Bumbaru. Or, elle est un peu enracinée dans le rêve des architectes modernistes. Des fois, on crée du néo-modernisme sans le savoir, alors qu’on prétend s’être dégagé de toute nostalgie.»

Moderne / post-moderne
Petites notions de base pour comprendre les mouvements moderne et post-moderne en architecture.

  • Mouvement moderne: A débuté dans les années 1940-1950 au Québec. Ce mouvement «a prôné une rupture par rapport au style historique», détaille François Racine, professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM. Il est caractérisé, notamment, par des constructions de béton et l’utilisation des nouvelles technologies.
  • Mouvement post-moderne: Dans les années 1980, jusqu’aux années 1990-2000. «C’est à partir du constat que l’architecture moderniste, épurée, fonctionnaliste, avait perdu un peu son âme et n’avait plus nécessairement de sens pour les usagers. C’est pour ça que les gens ont puisé cette espèce de reconnection à l’histoire», précise le professeur Racine.

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