L’Observatoire québécois de la diversité ethnoculturelle (OQDE) a dévoilé cette semaine les résultats de son étude sur la représentation des minorités visibles dans les récentes élections provinciales au Québec.
Cette étude brosse un portrait de la représentativité des candidat.e.s et des élu.e.s en puisant des données dans les documents rendus publics par les personnes candidates au cours de la campagne électorale, complétées et validées par les partis politiques.
«À notre façon de procéder, nous sommes plus proches de la réalité parce que toutes les statistiques concernant les minorités visibles disponibles actuellement sont recueillies sur une base d’auto-identification aux entités gouvernementales, alors il y a des gens qui ne s’identifient pas et d’autres qui se déclarent des minorités visibles sans l’être», affirme Hassan Serraji, fondateur et directeur de l’OQDE.
Neutraliser le débat
L’OQDE vise à «placer la réconciliation» entre le groupe majoritaire et ses concitoyens de la diversité ethnoculturelle au cœur des priorités de la société québécoise.
Dans le cadre de ses travaux, l’organisme mesure la représentation de la diversité ethnoculturelle, particulièrement des minorités visibles, dans les lieux de haute visibilité ou de prise de décision, dont les médias, la création artistique et culturelle ou la scène politique. Actuellement, deux études sont disponibles sur le site de l’OQDE concernant la représentativité aux élections municipales de 2021 et aux élections provinciales de 2022.
Une fois que les chiffres nous donneront l’heure juste, le débat concernant les immigrants deviendra plus rationnel, plutôt que d’être basé sur des perceptions.
Hassan Serraji, fondateur et directeur de l’OQDE
Concentration à Montréal
L’analyse de l’OQDE des 880 candidatures présentées aux élections indique que 16,2% sont issues des minorités visibles, soit 143 candidats.e.s, dont 61 issu.e.s des communautés noires.
Quant aux député.e.s élu.e.s qui ont fait leur entrée à l’Assemblée nationale le 3 octobre, l’OQDE en a identifié 15 comme étant des minorités visibles, dont 5 issus des communautés noires, soit 12% des 125 élu.e.s dans la province.
Il s’agit d’une augmentation comparativement aux député.e.s élu.e.s en 2018 (10) et en 2014 (4).
Ce taux semblerait être à l’image du taux de la population issue de minorités visibles au Québec, qui est de 12,6% selon le dernier recensement disponible. Toutefois, il faut considérer que les deux tiers des député.e.s ont été élu.e.s à Montréal, où les minorités visibles représentent 32,9% de la population, selon le recensement de 2016.
Ce chiffre sera mis à jour par Statistique Canada le 26 octobre prochain.
Quant aux élu.e.s dans l’agglomération de Montréal, 10 député.e.s, dont 3 issus des communautés noires, ont été identifié.e.s comme étant des minorités visibles, soit 37% des 27 candidat.e.s dans la course.
L’OQDE s’est basé sur la définition de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, selon laquelle une personne est considérée comme appartenant à une minorité visible en raison de sa race ou de la couleur de sa peau (personnes noires, asiatiques du Sud et de l’Ouest, nord-africaines, latino-américaines ou des Caraïbes, et toute personne née d’une union mixte dont un parent provient des groupes précédents).
À noter que les Autochtones n’entrent pas dans cette catégorie, faisant plutôt partie des cinq groupes visés par les programmes d’accès à l’égalité en emploi au Québec.
Diversifier les voix à l’Assemblée
«Je constate vraiment un progrès», dit Madwa-Nika Cadet, députée du Parti libéral du Québec (PLQ) élue dans la circonscription de Bourassa-Sauvé. «Non seulement il y a de plus en plus de Québécois issus de la diversité qui se lancent en politique, mais il y a une normalisation de cette présence aujourd’hui.»
Le 3 octobre, son parti a réussi à faire élire 21 député.e.s, dont 6 ont été identifié.e.s comme étant des minorités visibles. «On est la formation politique qui a été la plus représentative de la diversité québécoise dans la dernière campagne électorale», affirme la députée d’origine haïtienne.
On constate en effet que le PLQ a eu la plus grande représentativité des candidatures issues de minorités visibles, soit 32,8% (41 candidat.e.s), suivi par le Parti vert du Québec (43,8%, 32 candidat.e.s), le Parti conservateur (14,4%, 18 candidat.e.s) et Québec solidaire (13,7%, 17 candidat.e.s).
Or, bien que le PLQ ait réussi à gagner le plus de sièges à l’Assemblée législative pour ces élu.e.s appartenant à une minorité visible (6, contre 5 de la CAQ, et 4 de Québec solidaire), c’est QS qui a le taux le plus élevé de représentation (36,4% comparé à 28,6% du PLQ), selon les chiffres compilés par l’OQDE.
Nous devons valoriser la diversité et nous assurer que toutes nos instances du pouvoir sont représentatives de toutes les sphères de la société, autant à l’intérieur du parti qu’à l’Assemblée nationale.
Madwa-Nika Cadet
Elle exprime sa motivation pour créer un modèle de société ambitieux «qui croit à l’équité des chances», et souligne que son parti déploie des efforts pour encourager les gens de toutes les circonscriptions et de tous les groupes sociodémographiques à vouloir s’impliquer.
«Voir quelqu’un qui nous ressemble et qui nous donne le goût de nous lancer est important, mais il est aussi important d’avoir une diversité ethnoculturelle au niveau socioéconomique et régional pour avoir une représentativité des enjeux à l’Assemblée nationale», ajoute Mme Cadet.
Réglementer la représentativité
Plus tôt cette semaine, le premier ministre François Legault a fermé la porte à une réforme du mode de scrutin, malgré la disparité prouvée entre le vote populaire aux élections et le nombre de sièges obtenu par les partis.
Or, la députée de Québec solidaire réélue dans Mercier, Ruba Ghazal, soutient qu’un changement du mode de scrutin est essentiel pour la démocratie et pour assurer une meilleure représentativité à l’Assemblée nationale.
La sensibilisation et l’exigence morale de la société ne suffisent pas pour faire avancer les choses, la représentativité devrait devenir une exigence réglementaire pour tous les partis.
Ruba Ghazal
«Si elle est importante dans les médias et dans les téléséries, imaginez à quel point elle est fondamentale à l’Assemblée nationale», poursuit la cofondatrice de Québec solidaire, parti qui a réussi à faire élire 11 député.e.s le 3 octobre dernier, dont quatre sont identifié.e.s comme des minorités visibles.
Au printemps 2019, les membres de la Table citoyenne de l’Assemblée nationale avaient conclu qu’advenant l’implantation d’un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire, il serait préférable de miser sur la formation, l’accompagnement et le mentorat pour favoriser les candidatures des femmes et des minorités, plutôt que d’instaurer des quotas de représentativité contraignants.
Mme Ghazal considère que les partis politiques devraient être financés en fonction de leurs efforts pour inclure des minorités ethnoculturelles dans leurs candidatures, et «être pénalisés» s’ils n’en comptent pas suffisamment.
«Québec solidaire fournit toujours un effort pour assurer la parité hommes-femmes et la représentativité des minorités. Si on laisse ça à la volonté de chaque parti, ça va prendre beaucoup de temps pour faire avancer les choses et il pourrait même y avoir un recul», exprime la députée d’origine palestinienne.
Première femme autochtone élue
Bien que les Autochtones ne soient pas inclus dans la catégorie des minorités visibles, on souligne l’entrée de la première femme autochtone à l’Assemblée nationale, la nouvelle députée de la circonscription de Duplessis, Kateri Champagne Jourdain, originaire de la communauté de Uashat mak Mani-utenam.
«La culture innue, je la porte en moi et je l’apporte avec moi à Québec. Ça va me suivre tout au long de mon mandat
», a déclaré à Radio-Canada la candidate élue de la Coalition avenir Québec (CAQ) après sa victoire.
La nouvelle députée de la circonscription de Duplessis, sur la Côte-Nord, a brisé un plafond de verre au scrutin du 3 octobre, a écrit le diffuseur public national sur son site internet le lendemain de l’élection.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.