Montréal

CSPI : une abolition aux conséquences encore incertaines

Jusqu’à vendredi, Miville Boudreault était président de la CSPI. Il restera officieusement jusqu’à la fin de l’année scolaire afin d’assurer une transition.

Avec l’adoption de son projet de loi 40, adopté sous le bâillon, le gouvernement provincial a officiellement aboli les commissions scolaires. Une décision dont les répercussions sont encore difficiles à saisir dans leur totalité.

Dans les bureaux de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPI), Miville Boudreault, qui, jusqu’à la nuit de vendredi, en était encore le président, est encore sous le choc. C’est lors d’une entrevue à la radio qu’il avait appris l’abolition de son poste. Il n’est maintenant qu’un simple citoyen, même s’il restera présent jusqu’à la fin de l’année scolaire pour prodiguer des conseils et faciliter la transition.

Il l’admet lui-même, la majorité des parents et élèves ne verront pas la différence. «Ce sont ceux qui demandaient l’aide d’un commissaire en cas de problème qui seront plus affectés, croit l’ancien commissaire. En tant qu’élu, je pouvais aussi traiter avec les élus municipaux. Le projet de loi n’a pas remplacé cela, et selon moi, c’est un élément qui va manquer.»

Bien qu’il reconnaisse la légitimité du gouvernement d’agir, M. Boudreault estime néanmoins que celui-ci aurait plutôt dû mettre ses énergies à s’attaquer aux problématiques affectant le milieu de l’éducation, plutôt qu’aux structures elles-mêmes. «On rentre dans une période de transition, même si les objectifs étaient bons, les défis n’attendront pas qu’un nouvel équilibre s’installe», ajoute-t-il.

Claude St-Cyr, professeur à la Faculté de l’éducation de l’Université de Montréal, ne s’inquiète pas des capacités des futurs administrateurs de mener à bien leur mission. «Si tout va bien, ça va permettre de dépolitiser l’éducation au Québec, au niveau des commissions scolaires, observe-t-il. Mais, quand on regarde certains aspects de la loi, elle concentre également plus de pouvoirs aux mains du ministre.»

«Je souhaite que ça mette fin au discours négatif sur l’organisation du système scolaire québécois et des sommes administratives qu’elle engendre, ajoute le professeur, Si on regarde les coûts, ils sont autour de 4%, ce qui est très peu.»

Une adoption difficile

Le projet de loi 40 a été adopté dans des conditions pour le moins difficiles. C’est sous le bâillon, et au petit matin, qu’il est officiellement entré en vigueur. Projet de loi omnibus, il comprend de nombreux éléments dont il est encore difficile de comprendre la teneur.

«C’est difficile de porter un jugement global sur une loi omnibus. On ne sait pas trop quels éléments de la loi peuvent nous inquiéter ou nous satisfaire, juge M. St-Cyr. Le gouvernement a décidé d’aller rapidement pour pouvoir dire promesse tenue, en oubliant de s’assurer que tous les acteurs du milieu le suivent dans le processus.»

De son côté, M. Boudreault craint que le projet de loi ne mène à un modèle ressemblant à celui de l’école privée. «J’étais favorable à une modernisation de la gouvernance scolaire, mais ce qui était important pour moi est de garder l’aspect collectif. Je sens une certaine dérive vers un modèle plus individualiste, où chaque école doit s’arranger avec les moyens dont elle dispose».

Il rappelle à cet égard que certaines écoles sont plus défavorisées que d’autres, et que la commission scolaire permettait d’atténuer les écarts. «Je comprends le grand public de ne pas avoir été en mesure de se retrouver à l’intérieur de ce débat. Même nous, il y a des éléments qui nous étonnaient», révèle-t-il.

Une première étape ?

«L’éléphant dans la pièce, c’est la volonté du gouvernement d’établir un ordre des enseignants», estime M. St-Cyr. Il explique que le projet de loi pourrait être une première étape vers l’implantation d’un tel ordre, en raison des nombreux éléments qu’il touche.

Sans vouloir se prononcer directement sur le sujet, vu son ancienne position à la CSPI, M. Boudreault rappelle néanmoins que les syndicats en enseignement sont bien équipés pour faire valoir leur point de vue.

«On manque une belle occasion de valoriser le système d’éducation public au Québec, qui était parmi les meilleurs au monde, conclut M. Saint-Cyr. On va peut-être continuer à le dévaloriser pour des raisons politiques et de rapport de force, ce que je trouve malheureux.»


Un bilan positif à la CSPI, selon Boudreault

Miville Boudreault, dernier président de la défunte Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPI), dresse un bilan positif de ses années à la tête de la commission.

Élu en 2014 par une marge d’environ 2 000 voix, M. Boudreault a succédé au président sortant, Vincent Arciresi, en place depuis 1990.

Selon M. Boudreault, il a réussi à mieux faire rayonner la CSPI et ses établissements scolaires. «Beaucoup de personnes ignoraient son existence, se rappelle M. Boudreault. C’était une culture différente, où on ne privilégiait pas nécessairement la communication. Je trouvais que c’était une lacune, que j’ai essayé de corriger.»

Enfin, il est content d’avoir été capable de maintenir de bonnes relations entre l’administration et la gouvernance de la commission scolaire. C’est d’ailleurs en vertu de cela qu’il restera, officieusement, dans le giron de la CSPI jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Un point l’inquiète toutefois pour le futur. «Avec le conseil d’administration qui aura des parents et membres du personnel, ça se passera peut-être bien, mais c’est aussi possible que des conflits au sein de l’organisation se transposent au CA, puisqu’ils sont aussi là pour veiller aux intérêts de leur groupe», craint-il.

Il estime d’ailleurs qu’il ne serait pas surprenant qu’une nouvelle mouture de la loi 40 voie le jour, au cours des prochaines années, afin de régler d’éventuels problèmes de gestion.

Les administrateurs auront d’ailleurs, selon lui, de grandes décisions à prendre afin de trouver des solutions aux défis auxquels fait face le réseau de l’éducation publique dans l’Est de l’île.

Et pour lui, la suite est encore incertaine. «Je vais quand même prendre quelques semaines. C’est soudain, confie-t-il. J’essaie de prendre ça avec un grain de sel. On a participé au débat, mais au final, c’est le gouvernement qui prend la décision.»

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