Des usagers de la ligne Deux-Montagnes s’inquiètent que la fermeture du tunnel Mont-Royal, qui aura lieu lundi pour relancer les travaux du Réseau express métropolitain (REM), obligera les usagers à se rabattre sur le métro de Montréal. Ils soutiennent que la situation augmentera les risques de propagation, en pleine pandémie de coronavirus.
«C’est une décision vraiment précipitée et imprudente, avance le porte-parole du comité des usagers du train Deux-Montagnes, Francis Millaire. Avec la reprise des activités à Montréal, il y aura forcément plus d’usagers. Or, la décision d’arrêter les trains aura déjà été prise. Il aurait fallu prendre un pas de recul.»
La fermeture du tunnel Mont-Royal forcera effectivement les usagers du train de banlieue à revoir leurs habitudes. La reprise des travaux entraînera la fermeture du tronçon de la ligne Deux-Montagnes entre les gares Bois-Franc et Centrale. Des navettes par bus offriront une liaison vers des stations de métro, tandis que d’autres se rendront directement au centre-ville.
«Ça reste que le train à pleine fonction aurait été beaucoup plus sécuritaire, illustre M. Millaire. Personne ne peut prédire combien d’usagers seront au rendez-vous quand l’économie reprendra. À un moment donné, les décisions doivent s’arrimer avec les mesures sanitaires.»
«Encore une fois, ça démontre que la Caisse de dépôt et le REM n’ont aucun souci pour les usagers. Ils nous traitent de façon cavalière.» -Francis Millaire, du comité des usagers du train Deux-Montagnes
À l’opposé des directives
François Levac, un usager de la ligne de Deux-Montagnes qui demeure dans Pierrefonds-Roxboro, abonde dans le même sens. «Fermer le tunnel Mont-Royal, ça va à l’opposé des consignes du gouvernement de distanciation physique. C’est évident que ça va projeter plus de monde dans le métro et dans les bus», dit-il.
M. Levac appréhende lui aussi le retour des travailleurs dans le réseau, d’ici quelques semaines. «On peut s’attendre à ce que tout le monde ne retourne pas travailler au même moment, mais chose certaine: ce ne sera pas tout le monde qui portera le masque», insiste-t-il.
«Ça m’a un peu jeté à terre quand j’ai appris la nouvelle. J’étais sidéré de voir que les autorités laissent ça passer.» -François Levac, résident de Pierrefonds-Roxboro
Au Ministère des Transports du Québec (MTQ), la porte-parole Sarah Bensadoun assure que des ajustements seront apportés au besoin dans les prochaines semaines. «On a une cellule tactique en opération pour justement faire le suivi terrain des mesures, savoir si ça fonctionne, s’il faut ajouter du service, apporter des changements. On va réajuster si c’est nécessaire», promet-elle.
Pour prévenir toute transmission du virus, les escouades d’information seront retirées sur les quais des gares. Une signalétique «augmentée» sera aussi mise en place aux «endroits clés» du réseau, notamment à la gare Bois-Franc, assure-t-on. «On constate comme tout le monde des baisses d’achalandage importantes dans le réseau. Cela dit, on va prendre plusieurs initiatives pour limiter la propagation», lance Mme Bensadoun.
Un problème à plus long terme
S’il assure que le métro de Montréal a pour l’instant «la capacité» d’absorber plus d’usagers, l’expert en planification des transports de l’UdeM, Pierre Barrieau, avoue que la situation pourrait devenir très délicate avec le temps.
«Comme les tours à bureaux sont toujours fermées au centre-ville, l’achalandage est minime dans le métro, donc c’est gérable. Mais quand on va rouvrir l’économie, ça pourrait devenir un problème», dit-il. D’ailleurs, une idée «intéressante», selon lui, serait d’autoriser des trains à se rendre jusqu’au centre-ville en empruntant les voies du Canadien Pacifique (CP). La mesure «fonctionnerait probablement mieux» que l’entente avec le Canadien National (CN), qui permet aux trains de la ligne Mascouche de contourner le mont Royal jusqu’au centre-ville.
Le spécialiste invite les autorités à prévoir des mesures de dernier recours. «S’il y a des travaux dans le tunnel qui peuvent être repoussés, on pourrait mettre en place des protocoles de réouverture temporaire», conclut-il.