Au cours des derniers mois, une guerre des langues se prépare entre l’Office québécois de la langue française (OQLF) et certains restaurants indépendants de Montréal. Ces derniers prétendent être injustement ciblés à une époque où leur industrie se fait écraser.
Une pétition visant à abolir l’OQLF – souvent appelé «la police de la langue» (language police) dans la communauté anglophone – a été lancée en ligne, recueillant plus de 16 000 signatures en moins de deux semaines.
«Pendant la pandémie, nous devrions nous concentrer sur le renforcement des capacités dans nos hôpitaux, plutôt que de détruire l’économie locale et décourager les propriétaires d’entreprises», peut-on y lire. «Nous voulons abolir une organisation qui ne contribue pas à bâtir une société meilleure pour notre peuple.»
La pétition fait suite à une série d’incidents très médiatisés à Montréal. La semaine dernière, un inspecteur de l’OQLF s’est présenté à la Crèmerie Think Sunshine de LaSalle, disant à la propriétaire, Laurel Scala, qu’une plainte à propos de son établissement avait été émise.
Bien qu’il n’ait pas précisé de quoi il s’agissait exactement, Mme Scala a souligné que le nom du salon avait été enregistré auprès du gouvernement du Québec et qu’aucune objection n’avait été soulevée à l’époque.
«Je suis triste, blessée, frustrée et en colère», a-t-elle déclaré. «J’ai consacré mon cœur et mon âme à la création de mon entreprise pendant près de deux ans, et le nom est un hommage à mon enfance et à mes grands-parents», regrette la propriétaire.
«Je comprends l’importance de préserver le français, mais s’en prendre aux petites entreprises qui font tout pour se conformer à la loi ne va pas aider votre cause.» -Laurel Scala, propriétaire
Une enquête est en cours et Mme Scala sera prochainement informée si sa crèmerie est jugée conforme à la loi. Cependant, selon elle, pratiquement toute la signalisation et les saveurs de glace sont écrits en français.
D’autres visites de l’OQLF
Think Sunshine est de loin le seul établissement à avoir été récemment visité par l’OQLF. Le mois dernier, un inspecteur s’est rendu à Kitchen 73, situé à Rivière-des-Prairies, pour enquêter sur un grief concernant la signalisation du restaurant.
«Notre industrie est en train d’être anéantie, et ils me menacent au milieu d’une pandémie», a déclaré le copropriétaire du restaurant Carmine Anoia. «J’ai demandé à l’inspecteur si les amendes étaient valables alors qu’il n’y avait que des chaises et des tables vides dans le restaurant.»
Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux après l’incident, l’OQLF a indiqué que M. Anoia a rapidement invectivé l’inspecteur, qui a quitté sans mener l’inspection. Aucune amende n’a été émise jusqu’à présent.
L’institution a ajouté qu’elle est «pleinement consciente du contexte du COVID-19 et déploie tous les efforts nécessaires pour en minimiser les répercussions auprès de ses clientèles».
Ce n’est pas la première fois que Kitchen 73 se dispute avec l’OQLF. La chaîne a reçu la visite du bureau à cinq reprises depuis son ouverture en 2011 et son nom a fait l’objet d’une plainte, résolue en 2013.
En septembre, le gouvernement Legault a annoncé 5 millions de dollars de financement supplémentaire à l’OQLF pour s’assurer que les entreprises se conforment à la Charte de la langue française, connue sous le nom de Loi 101.
L’argent, prévu dans le budget de mars dernier permettra d’embaucher 50 employés supplémentaires, dont plusieurs travailleront dans la région de Montréal.
*Une version antérieure de cet article indiquait que l’OQLF n’avait pas répondu à une demande d’entrevue. Dans les faits, la demande avait été envoyée inadéquatement.