Il y a un an, le triple meurtre de Dahia Khellaf et ses deux enfants a chamboulé Pointe-aux-Trembles. Aujourd’hui, des centres de femmes sont unanimes: il reste encore beaucoup de prévention à faire pour lutter contre la violence conjugale.
Le 11 décembre 2019, des policiers se sont rendus au domicile de Dahia Khellaf, place des Pointeliers. Ils venaient lui annoncer le suicide de son ex-conjoint, Nabil Yssaad. C’est alors qu’ont été découverts les corps sans vie de Mme Khelaff et ses deux jeunes garçons. Ils avaient été tués la veille par M. Yssaad.
Dans la foulée du drame, François Legault avait commandé un plan d’action de la lutte contre la violence conjugale. Celui-ci a été présenté le 3 décembre dernier, accompagné d’une enveloppe de 180 millions de dollars sur cinq ans.
Plus de sensibilisation
Or, pour Anik Paradis, coordonnatrice à Info-Femmes, la question de la violence conjugale « fait encore du surplace », un an après le drame.
Si elle salue l’enveloppe de 120 millions de dollars allouée aux maisons d’hébergement, elle soutient que les centres de femmes, qui jouent un rôle important de prévention, sont encore oubliés.
Pourtant, croit-elle, les besoins de prévention et sensibilisation sont « criants ». «Dans nos formations, les gens se demandent encore s’ils doivent intervenir dans des situations de violence conjugale. (…) Il faut qu’on arrête de penser que ce n’est pas de nos affaires», dénonce-t-elle.
Un avis partagé par Dorette Mékemdjio, directrice du Centre des femmes Montréal-Est/Pointe-aux-Trembles. Elle croit d’ailleurs que l’utilisation de bracelets électroniques «anti-rapprochement», dont Québec a annoncé qu’il fera l’étude de faisabilité, n’est pas la solution. Il faut, à son avis, traiter le problème en amont.
« Même si l’homme qui a commis le meurtre à Pointe-aux-Trembles avait eu un bracelet électronique, (…) on ne sait pas comment les gens vont réagir. C’est de la prévention qu’il faut faire, avec les hommes et les femmes.”
Partager l’information
Un rapport du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale a été publié le 7 décembre par le Bureau du coroner. Dix événements de violence conjugale survenus en 2018-2019 et ayant causé 19 décès y ont été analysés.
Deux constats majeurs en sont ressortis. D’une part, l’importance de bien évaluer les risques. De l’autre, le besoin de favoriser le partage de l’information entre les différents secteurs d’intervention.
Le rapport met également en lumière les «occasions manquées». Pour tous les cas analysés, au moins une ressource avait été sollicitée avant les actes violents par son auteur ou la victime.
Mme Paradis rappelle d’ailleurs que plusieurs intervenants étaient au courant des antécédents violents de M. Yssaad avant le drame.
«Si on avait des cellules de travail en commun avec la DPJ, les centres de femme, le service de police, le procureur, les CALACS… On pourrait être capable de se mettre ensemble, et se dire : comment on peut mieux entourer cette famille-là? Comment on peut être dans le soutien et la prévention avant que ça explose?»
Du travail à faire dans l’Est
Le drame de la place des Pointelierss ne fait cependant pas figure d’exception dans l’Est. Un double infanticide survenu à Tétreauville a fait les manchettes en octobre 2019. Un autre homicide conjugal survenu en mai 2020 a également eu lieu à Pointe-aux-Trembles.
Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles pour la Coalition avenir Québec, se dit préoccupée de la situation. À son avis, «aucun financement ne sera jamais suffisant». Or, l’apport financier de Québec, notamment aux maisons de femmes, aux cellules intervention et un financement octroyé récemment au Centre des femmes Montréal-Est/Pointe-aux-Trembles lui semblent un pas dans la bonne direction.
Alexandre Leduc, député d’Hochelaga-Maisonneuve pour Québec solidaire, se dit également « inquiet » de la situation. Pour lui, la lutte contre la violence conjugale doit passer entre autres par plus de financement pour la santé mentale. De plus, il soutient qu’il faut encourager et soutenir les femmes dans leurs dénonciations de violence, et surtout, augmenter la sensibilisation faite auprès hommes.
Vous avez besoin d’aide?
SOS Violence conjugale
1 800 363-9010
https://www.sosviolenceconjugale.ca/fr
Suicide action Montréal
1 866 277-3553