La décision de la Ville de construire une patinoire au square Cabot sème l’inquiétude auprès d’un organisme qui aide les personnes en situation d’itinérance dans le secteur. L’administration de Valérie Plante affirme pourtant avoir reçu son accord sur ce projet.
Près de 100 000$ iront dans la construction d’une patinoire de 464,5 m² que la Ville entend aménager au cours des prochains jours au square Cabot, un parc situé à proximité de la station de métro Atwater.
En amont de la réalisation de ce projet, qui s’inscrit dans la programmation hivernale de l’arrondissement de Ville-Marie, l’administration Plante indique avoir mené une consultation auprès d’organismes communautaires et de résidents du secteur. Elle affirme que ce projet contribuera à la cohabitation entre les citoyens qui habitent à proximité et les personnes en situation d’itinérance qui se retrouvent dans ce parc.
«C’est une activité permise en temps de [pandémie], qui est rassembleuse et qui permet de créer des liens entre les personnes qui utilisent ce parc», a fait valoir mardi la responsable de l’itinérance au comité exécutif, Nathalie Goulet.
En séance du conseil municipal, elle a d’ailleurs indiqué que la Ville a sondé l’organisme Résilience Montréal, qui opère un centre de jour près du square Cabot, pour avoir son avis sur ce projet. L’organisme a d’ailleurs obtenu samedi dernier un soutien financier de 700 000$ de la part de Québec et de la Ville afin de l’aider à obtenir un local permanent.
«Il a été consulté et s’est montré très favorable à ce projet-là», a déclaré l’élue, au sujet de Résilience Montréal, qui offre notamment de l’aide alimentaire à de nombreux sans-abri d’origine autochtone.
Des inquiétudes
La cofondatrice de Résilience Montréal, Nakuset, a pourtant assuré à Métro vendredi ne pas avoir «approuvé» ce projet. Lorsque la Ville l’a consultée, elle a plutôt fait part de «ses inquiétudes» quant aux enjeux de cohabitation et de sécurité que cette patinoire pourrait créer.
«Ça ne fait pas vraiment de sens pour moi qu’on fasse quelque chose comme ça parce que le parc a toujours été, et encore plus depuis mars, un lieu de rencontre pour les itinérants afin qu’ils obtiennent des services. Et là, on oublie les itinérants pour construire une patinoire», soulève-t-elle.
«Qu’est-ce qui va arriver si des personnes vont sur la patinoire sans patins, tombent et se cassent la tête?», renchérit Nakuset, qui affirme que très peu d’organismes ont réellement appuyé ce projet.
Diane Gervais, qui fait partie d’une groupe de citoyens qui offrent régulièrement de l’aide alimentaire aux sans-abri du square Cabot, affirme d’ailleurs avoir sondé plusieurs itinérants du secteur, qui ont fait part de leur opposition au projet.
«On a fait le tour pour leur demander s’ils veulent patiner et on s’est fait regarder comme si on venait d’une autre planète […] Ils ont d’autres priorités», laisse-t-elle tomber au bout du fil. Un constat que partage le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’itinérance, Benoit Langevin, qui presse la Ville d’annuler ce projet.
«Ce qu’on veut, c’est qu’elle annule ce projet-là, qu’elle prenne les 100 000$ que ça coûte et qu’elle utilise cet argent pour investir dans l’aide alimentaire pour les sans-abri du secteur», lance-t-il à Métro, visiblement irrité par cette affaire.
«Nous sommes vraiment inquiets.» -Nakuset, cofondatrice de Résilience Montréal
Manque d’espaces verts
Nakuset assure que son organisme saura «s’adapter» à ce nouveau projet, mais reconnaît qu’elle aurait préféré que cette patinoire voie le jour ailleurs.
«Si cette patinoire n’était pas au square Cabot, elle ne pourrait pas être ailleurs [dans le quartier Peter-McGill]. Nous n’avons pas d’autre endroit», soulève toutefois la directrice d’Innovation Jeunes, un organisme qui offre des services d’aide aux jeunes et aux familles en situation de pauvreté dans ce quartier, Jenna Smith.
Cette dernière soulève ainsi le manque d’espaces verts dans le quartier Peter-McGill. Un contexte qui rend difficile de répondre tant aux besoins des sans-abri du secteur qu’à ceux des familles qui y résident.
«Cette patinoire a été réfléchie en fonction des besoins des enfants et des familles, mais je ne nie pas que les organismes qui travaillent près des personnes itinérantes ont des raisons d’être inquiets», ajoute Mme Smith.
Au moment d’écrire ces lignes, le cabinet de Mme Plante n’avait pas réagi.