En vente depuis plusieurs mois, l’église Très-Saint-Rédempteur n’a toujours pas trouvé preneur. Le diocèse de Montréal affirme avoir reçu plusieurs offres pour ce bâtiment bientôt centenaire, mais aucune n’était à la hauteur de ses attentes.
Faute de fidèles, l’église Très-Saint-Rédempteur a été fermée et mise en vente à l’automne 2019.
«C’était triste à la fin, parce qu’il y avait à peu près autant de célébrants que de fidèles», raconte Denis Côté, membre actif de Patrimoine Homa.
Le prix demandé pour cette «magnifique église (…) avec beaucoup de cachet» est de 4 M$, selon la fiche mise en ligne par le courtier immobilier.
«On a eu des offres de promoteurs immobiliers, et nous, on ne souhaite pas que nos églises servent pour la spéculation», explique la responsable des bâtiments au diocèse de Montréal, Caroline Clermont.
Idéalement, le diocèse aimerait que l’église demeure un lieu de culte chrétien. Il ouvre tout de même la porte à un éventuel projet résidentiel, mais ce dernier devrait toutefois prévoir du logement social et des appartements pour familles.
«C’est difficile de trouver des gens qui répondent à ces critères», concède Mme Clermont.
Patrimoine religieux
Construite en 1928, l’église Très-Saint-Rédempteur est qualifiée d’immeuble de «valeur patrimoniale exceptionnelle» par la Ville de Montréal.
Invité à réagir, l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve reconnaît la valeur patrimoniale du bâtiment et affirme ne pas être insensible à sa mise en vente.
«Le patrimoine religieux est en crise au Québec, ce n’est plus un secret pour personne. Nous souhaitons que l’archevêché de Montréal et le gouvernement du Québec se penchent sur ce phénomène afin d’épauler les municipalités dans la préservation de ce patrimoine d’une richesse inestimable et pour trouver des moyens de conserver la vocation communautaire de nos églises», a déclaré le maire Pierre Lessard-Blais.
La Ville de Montréal rappelle de son côté que bien que l’église Très-Saint-Rédempteur soit un incontournable du patrimoine bâti de l’arrondissement MHM, ce bâtiment n’est pas visé par la Loi sur le patrimoine culturel du gouvernement du Québec.
«Il s’agit toutefois d’un lieu de culte d’intérêt identifié au Plan d’urbanisme et au Schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Montréal», précise la rédactrice de la division des relations de presse de la Ville de Montréal, Fabienne Papin.
Le diocèse de Montréal souligne qu’il gère environ 200 paroisses et que les ressources sont de plus en plus insuffisantes.
«La municipalité fait des énoncés patrimoniaux, avec raison, parce qu’elle veut conserver le patrimoine, mais ça vient avec des exigences que les propriétaires ne sont pas capables de remplir, fait valoir Caroline Clermont. On nous demande de maintenir notre patrimoine, mais on n’a pas les moyens pour le faire.»
Valeur architecturale
Le directeur de l’Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, William Gaudry, précise que l’église Très-Saint-Rédempteur n’est pas l’église la plus vieille du quartier, mais que les deux architectes du bâtiment, Donat-Arthur Gascon et Louis Parant, sont des noms assez connus.
On doit notamment à Louis Parant l’église Saint-Pierre-Apôtre de Montréal et l’hôtel de ville de Montréal.
M. Gaudry explique que Très-Saint-Rédempteur a une architecture sobre et modeste, à l’image de son quartier, ce qui la distingue des autres églises de l’époque.
Une autre particularité de cette église, ce sont les vitraux de Guido Nincheri, représentant des scènes de l’Ancien Testament, ce qui est plutôt rare pour une église catholique.
«Juste le simple nom de Guido Nincheri en soi, c’est une valeur ajoutée au bâtiment», affirme M. Gaudry.
Concernant la Loi sur le patrimoine culturel du gouvernement du Québec, M. Gaudry révèle que l’Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve publiera prochainement une lettre ouverte à ce sujet.
«Il n’y a pas de stratégie gouvernementale très claire qui permet de protéger systématiquement le patrimoine religieux ancien.»
Il déplore que la protection du patrimoine religieux soit faite à la pièce dans des situations d’urgence. Selon lui, il faut mettre en place une stratégie de financement récurrente par région pour l’ensemble des églises.
En revanche, il a conscience qu’on ne peut pas toutes les sauver.