La crise étudiante du printemps dernier a mis en lumière la relation trouble des Québécois avec les acquis de la Révolution tranquille, selon le professeur d’urbanisme Gérard Beaudet. Dans son livre Les dessous du printemps étudiant, en librairie lundi, l’auteur explore les implications historiques d’un conflit qui a polarisé l’ensemble de la province.
Quel lien faites-vous entre la Révolution tranquille des années 1960 et le printemps étudiant?
Tout au long de la crise, j’entendais des propos méprisants sur les étudiants et les professeurs, et ce de la part de gens qui ont bénéficié de la Révolution tranquille, qui ont tiré profit d’un système d’éducation mis en place avant eux. Mon hypothèse était donc que malgré toutes ses avancées, la Révolution tranquille n’a pas réussi à nous donner une conscience collective de l’importance de l’éducation.
Croyez-vous que cette dimension historique a été évacuée du discours pendant la crise?
Sur toutes les tribunes, les gens ont pris position très rapidement, sans nécessairement se poser les bonnes questions. Pourquoi une grève qui aurait pu durer seulement deux ou trois semaines a pris autant d’ampleur et monopolisé autant d’intervenants de tous les domaines? Cinquante ans après le rapport Parent, qui a mené à la création du ministère de l’Éducation en 1964, ce n’est pas normal qu’il y ait encore autant de réflexes négatifs par rapport aux revendications étudiantes. Personne n’a pris le temps de regarder vers le passé.
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Votre livre paraît un an après l’éclatement du conflit étudiant. Avons-nous aujourd’hui le recul nécessaire pour en parler de manière plus juste?
C’est en prenant le temps d’interroger l’histoire que ce recul est possible. Dans mon livre, j’ai choisi de mettre entre parenthèses la question des droits de scolarité et de laisser la rue de côté afin d’analyser des problèmes de fond. Au-delà des questions d’argent, certaines dérives actuelles en éducation doivent nous interpeller, parce qu’elles représentent l’abandon d’un idéal commun hérité de la Révolution tranquille.
Selon vous, le Sommet sur l’éducation qui se tiendra en février doit donc aller plus loin que les questions de financement?
Les gens d’affaires, par exemple, ont tout intérêt à ne parler que d’argent, mais ce faisant, on passe à côté de problèmes beaucoup plus sérieux. C’est beau de parler de la juste part des étudiants, mais peut-on parler de la juste part de la collectivité? Du genre d’éducation qu’on veut? Du décrochage? Ce sont des choses qu’on ne peut pas balayer sous le tapis. Nous avions des objectifs ambitieux lors de la Révolution tranquille, on en fait quoi maintenant?