Québec pourrait s’aventurer sur un terrain glissant avec son projet de loi 61 (PL61). Des organismes lancent en choeur un avertissement à ne pas répéter les erreurs qui ont mené à la Commission Charbonneau.
L’Autorité des marchés publics (AMP), créée dans la foulée de cette commission d’enquête, s’inquiète que le projet de loi de relance économique porte atteinte aux règles encadrant la corruption et la collusion. Le premier ministre François Legault se défend, alléguant qu’il fait les choses dans l’ordre.
«Au Québec, nous avons dans les dernières années resserré l’étau en matière de surveillance des marchés publics. Nous aurions tort de relâcher la garde en cette période où nous devons au contraire être plus vigilants», a signalé mardi la présidente-directrice générale par intérim de l’AMP, Nathaly Marcoux, lors d’une séance de la commission particulière entourant ce projet de loi controversé.
L’AMP s’attaque par ailleurs à l’article 50 de ce projet de loi visant l’accélération des projets d’infrastructure.
Celui-ci décrète que «le gouvernement peut, par règlement et sur recommandation du Conseil du trésor, déterminer des conditions applicables en matière de contrats et de sous-contrats publics visés par les dispositions de la Loi sur les contrats des organismes publics».
Aux yeux de Me Marcoux, l’article 50 de la mesure législative caquiste manque de «clarté».
«Le gouvernement aurait tout intérêt à clarifier l’article 50 du projet de loi 61, de façon à ce qu’il n’y ait pas de doute sur le maintien des lois en vigueur», a-t-elle affirmé.
La Commission Charbonneau sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction a pris fin en 2015. L’Autorité des marchés publics occupe depuis un poste de «surveillant» dans la gestion des contrats publics.
D’autres interventions
Les consultations particulières sur le PL61 ont d’ailleurs accueilli mardi le Bureau de l’inspecteur général de Montréal (BIG). Lui aussi met en garde le gouvernement de la CAQ.
«La surcharge de travail et le manque d’effectif demeurent des sources d’inquiétude», a signalé l’inspectrice générale de Montréal, Brigitte Bishop.
Le comité de suivi de la Commission Charbonneau a présenté mardi soir son mémoire sur la mesure législative. Celui-ci indique que le PL61 «ouvre la porte aux malversations».
Legault revient à la charge
Mardi, le premier ministre François Legault, a de nouveau tenu à vendre le PL61, déposé la semaine dernière.
«Honnêtement, ça ne m’inquiète pas, la corruption. C’est sûr qu’on va mettre en place les mesures nécessaires pour qu’il n’y en ai pas», a-t-il indiqué.
«Il n’y a personne au Québec qui veut revivre les contrats aux petits amis.» – François Legault, premier ministre du Québec
Plusieurs groupes d’oppositions et organismes font fronde contre le projet de loi. La semaine dernière, les partis d’oppositions à l’Assemblée nationale ont notamment fait part de leurs inquiétudes par rapport aux obligations environnementales et légales du gouvernement.
Lundi, une centaine d’experts environnementalistes ont appelé Québec à réviser son projet de loi.
À quelques jours de la conclusion de la session parlementaire, le premier ministre a répété mardi qu’il ne considérait pas le bâillon. La session, dit-il, pourrait cependant être prolongée.
Par ailleurs, après avoir fait des pressions en ce sens, les groupes d’opposition à Québec ont obtenu mardi que la Vérificatrice générale et le Barreau du Québec puissent s’exprimer en commission parlementaire. La première avait émis des réserves la semaine dernière.