L’entente sur les «tiers pays sûrs» entre le Canada et les États-Unis, qui obligeait les demandeurs d’asile de présenter leur demande dans le premier pays où ils arrivent, a été invalidée mercredi par un juge fédéral.
L’entente prévoit qu’un demandeur d’asile qui a transité par les États-Unis ne peut faire sa demande au Canada, et vice-versa. Mais elle ne s’applique qu’aux points d’entrée officiels. Ce qui a créé des problèmes dans certaines régions frontalières, qui ont vu une augmentation du nombre de personnes traversant la frontière de façon irrégulière.
Dans une décision rendue par la Cour fédérale, la juge Ann Marie McDonald explique que l’entente entre le Canada et les États-Unis va à l’encontre de la Charte canadienne des droits et des libertés.
«Ayant constaté que le fonctionnement de l’entente est une violation des droits garantis par l’article 7 de la Charte, je ne vois aucune raison de principe de continuer à permettre l’application des dispositions de l’entente à cette catégorie étroite de demandeurs d’asile», peut-on lire dans sa décision.
Dans les 34 pages de sa décision, la juge explique également que «les personnes renvoyées aux États-Unis par des fonctionnaires canadiens sont détenues à titre de sanction».
«La pénalisation du simple fait de demander le statut de réfugié n’est pas conforme à l’esprit […] ou aux conventions [de l’entente] sur lesquelles elle a été fondée», rappelle-t-elle.
L’entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis est donc invalidée. La juge a toutefois suspendu l’application de sa décision pour six prochains mois afin de laisser du temps au gouvernement fédéral de réagir. Le gouvernement pourra faire appel de la décision.
Contacté par Métro, une porte-parole du ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, indique évaluer la décision. Le bureau du ministre précise que la décision «n’entrera en vigueur que le 22 janvier 2021. L’entente sur les tiers pays sûrs reste en vigueur».
Un «sursis» pour les demandeurs d’asile
Amnistie internationale, le Conseil canadien pour les réfugiés et le Conseil canadien des Églises, requérants dans le dossier, se sont félicités de l’annonce de la Cour fédérale dans un communiqué de presse commun.
Mais la directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, France-Isabelle Langlois, insiste sur le fait que c’est «un sursis de six mois» puisque le gouvernement fédéral pourrait faire appel à la décision.
Cette entente est «à l’origine de graves violations des droits humains depuis plusieurs années», souligne-t-elle.
Mme Langlois appelle également le gouvernement à revenir sur sa décision «de fermer la frontière aux demandeurs d’asile» avec la pandémie de coronavirus. Elle souligne que «la COVID-19 n’épargne pas les centre de détentions de migrantes et migrants aux États-Unis.
La «fin» du chemin Roxam
Guillaume Cliche-Rivard, avocat en droit de l’immigration, se réjouit que l’entente sur les tiers pays sûrs soit invalidée.
«C’est une très bonne décision», déclare-t-il à Métro.
Selon lui, si le Canada ne conteste pas la décision, «c’est bon an, mal an, la fin des passages irréguliers au chemin Roxam», car «les demandeurs d’asile vont pouvoir se présenter à Lacolle pour revendiquer l’asile, dans toute la dignité et dans toute la protection qui devraient leur être accordées».
Pour les demandeurs arrivant par voie aérienne ou maritime, ils peuvent demander que leur «demande d’asile soit transmise à la Section de la protection des réfugiés pour évaluation».
Cet accord entre les deux pays a pris effet en 2004. Il était décrié par plusieurs associations, dénonçant que les États-Unis n’étaient pas un pays «sûr» pour les demandeurs d’asile.
Amnistie internationale, le Conseil canadien pour les réfugiés et le Conseil canadien des Églises étaient requérants dans le dossier.