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Le gouvernement doit reconnaître le racisme systémique, tranche la coroner

Géhane Kamel, du bureau du coroner

Géhane Kamel, du bureau du coroner

Afin d’éviter qu’un drame comme la mort de Joyce Echaquan ne se reproduise, le gouvernement du Québec doit reconnaître l’existence du racisme systémique. C’est ce qu’a tranché la coroner Géhane Kamel dans son rapport d’enquête sur le sujet, déposé vendredi. Ainsi, le gouvernement Legault devrait prendre «l’engagement de contribuer à son élimination», détermine la coroner.

«Il est désormais inacceptable que de larges pans de notre société nient une réalité aussi bien documenté», estime Me Kamel. Le racisme et les préjugés desquels Mme Echaquan a été victime «ont certainement été contributifs à son décès», conclut-on.

La mort de Joyce Echaquan serait accidentelle. La femme de 37 ans serait décédée «des suites d’un œdème pulmonaire provoqué par un choc cardiogénique dans un contexte de cœur malade» relié à «des manœuvres possiblement délétères telles que le maintien en décubitus dorsal sous contentions sans surveillance adéquate».

Préjugés et racisme

Plus de 44 témoins ont défilé devant la coroner Géhane Kamel lors des audiences publiques. Selon ce qui est sorti des témoignages, Mme Echaquan aurait «rapidement été étiquetée comme narcodépendante» lors de son arrivée au Centre hospitalier de Lanaudière. «Sur la base de ce préjugé, il en découle que ses appels à l’aide ne seront malheureusement pas pris au sérieux», observe Me Kamel.

Mme Echaquan pleure beaucoup, et se plaint de «ne pas être crue quand elle exprime ses douleurs». La note du médecin indique qu’elle est «insatisfaite et qu’elle a une tendance à la manipulation». Pourtant, la preuve démontre que la patiente n’est pas narcodépendante, qu’elle ne consomme que les médicaments «dûment prescrits et dont la quantité est insuffisante pour créer une dépendance».

Ces constats mènent la coroner à se pencher précisément sur la notion de racisme systémique. Elle décèle un inconfort de la communauté atikamekw quant aux soins qui leurs sont administrés. C’est pourquoi Me Kamel recommande au gouvernement de reconnaître le racisme systémique, puis d’emprunter le chemin «long et ardu» de la réconciliation.

Il est donc de mon devoir, à titre de coroner, de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter qu’un membre de la communauté autochtone ou de toute autre origine reçoive des soins tels que ceux offerts à Mme Echaquan. 

Géhane Kamel, Coroner

Efforts à déployer

Des actions ont été entreprises par le gouvernement du Québec pour entamer la réconciliation avec les Premières Nations. Mais «la reconnaissance d’une disparité de traitements est fondamentale, voire vitale pour travailler dans un esprit de confiance».

«Il faut avoir une ferme volonté de nommer sans faire de cosmétique autour d’un principe pourtant si limpide: le droit de tous à la bienveillance et à vivre dans une société libre et démocratique en ayant l’espoir que tout être humain mérite les mêmes services avec dignité et respect et, surtout, mérite de vivre», écrit Me Kamel.

En plus de cibler le gouvernement du Québec, la coroner émet plusieurs recommandations au CISSS de Lanaudière. On demande notamment l’intégration d’un agent de liaison de Manawan dans le centre hospitalier, des notes médicales qui reflètent mieux la prise en charge des patients ainsi que la mise en place d’activités d’inclusion de la culture autochtone.

Il est aussi demandé à l’Ordre des infirmières puis au Collège des médecins du Québec de revoir la qualité des soins médicaux prodigués à Joyce Echaquan lors de son hospitalisation.

Semaine de querelle

Ce qui devait s’avérer une semaine de reconnaissance et de recueillement s’est avérer une période de zizanie à l’Assemblée nationale. Si les deux principaux partis demandent déjà au premier ministre François Legault de reconnaître le racisme systémique, le dépôt du rapport de la coroner Géhane Kamel risque de rajouter de l’huile sur le feu.

Mardi, le premier ministre s’en est pris au député libéral Gregory Kelley, alors qu’il était question du principe de Joyce au Salon bleu, qui garantirait un accès équitable, sans discrimination pour les Premières Nations, à tous les services sociaux et de santé.

Une vidéo circule sur le web où M. Kelley dénonce les projets de loi adoptés par la CAQ, dans le contexte d’un discours sur Joyce Echaquan. Datant du 12 juin, la vidéo a été filmée lors d’un rassemblement de Black Lives Matter. «Je n’accepterai jamais que le député fasse un amalgame entre Joyce Echaquan et le projet de loi 96», a tonné M. Legault en chambre, mardi.

M. Legault et son gouvernement disent adhérer au Principe de Joyce, sauf pour une partie: la reconnaissance du racisme systémique. «Au lieu d’essayer de diviser, et de faire de la petite politique comme les libéraux et Québec solidaire, c’est le temps de dire: on ne veut plus de racisme au Québec», a tranché François Legault en mêlée de presse mercredi.

«C’est extrêmement significatif qu’une coroner émette une telle recommandation. J’espère que M. Legault aura l’humilité de reconnaître qu’il fait fausse route et de rectifier sa trajectoire», a commenté la député de Québec solidaire Manon Massé vendredi.

«Par respect pour la famille et les proches de Joyce Echaquan», le premier ministre attendra la conférence de presse de Me Kamel sur la question, mardi, avant de commenter.

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