La présence du hijab sur une photo de la couverture du journal anglophone de l’Association médicale canadienne (CMAJ) suscite la controverse, et le texte dénonçant le hijab encore plus. Le Conseil national des musulmans canadiens (NCCM) réclame des excuses publiques.
Le débat a été déclenché par une photo publiée par le CMAJ montrant une enfant âgée de moins de cinq ans portant un hijab. L’image a fait réagir l’autrice canadienne Yasmine Mohammed sur Twitter.
«Comme c’est décourageant de voir ma soi-disant société libérale tolérer quelque chose qui n’arrive que dans les foyers religieux les plus extrémistes», écrivait la militante, figure du mouvement des ex-musulmans, sur son compte Twitter le 11 novembre dernier.
Dans sa réponse intitulée «N’utilisez pas un instrument d’oppression comme symbole de diversité et d’inclusion», le chirurgien pédiatrique et professeur à l’Université McGill Sherif Emil déplore à son tour le choix d’image.
«L’image en a choqué et exaspéré plus d’un», écrit-il d’emblée en mentionnant l’opinion de deux femmes musulmanes, dont celle de Yasmine Mohammed. Pour ces dernières, l’image rappelle une société islamique fondamentaliste, où les femmes sont forcées de porter le hijab dès la petite enfance», poursuit-il.
Le professionnel de la santé conclut son texte en indiquant que dans certains pays musulmans, les filles de cet âge n’ont pas le droit de faire du vélo, de nager ou de participer à d’autres activités qui caractérisent une enfance en bonne santé. «Tant de femmes ont été traumatisées par une telle éducation, qui, je crois, frise franchement la maltraitance des enfants», ajoute-t-il.
S’il dit «respecter le choix de chaque femme de porter le hijab», Sherif Emil compare tout de même l’objet à un «instrument d’oppression».
Propos jugés islamophobes par le NCCM
Pour le Conseil national des musulmans canadiens, les propos du Dr Emil sont islamophobes puisqu’ils perpétuent des stéréotypes nuisibles et infondés.
«C’est plus que déplorable pour un professionnel de la santé avec les responsabilités du Dr Emil de faire des commentaires aussi scandaleux et manifestement islamophobes sur les filles et les femmes musulmanes», a déclaré la responsable de la défense des intérêts du NCCM au Québec, Lina El Bakir.
Selon Mme El Bakir, la publication attise des stéréotypes racistes sur une population qui a été confrontée à certaines des formes de haine les plus violentes de ce pays.
Le NCCM demande au journal médical de retirer la lettre sur le hijab et de présenter des excuses publiques immédiatement.
«À un moment où les Canadiens s’inquiètent de l’émergence du récent variant de COVID-19 dans le pays et se tournent vers les chefs de file médicaux pour le leadership et le réconfort, nous avons besoin du Journal de l’Association médicale canadienne pour maintenir des niveaux élevés d’intégrité et de normes», ajoute-t-on.
Le journal s’excuse
Sur Twitter, des internautes ont aussi réagi à la publication du Dr Sherif Emil. «C’est *odieux* le @JAMC publie un article perpétuant des mythes dangereusement nocifs sur le hijab, en utilisant sa plateforme comme une revue à comité de lecture pour normaliser ces stéréotypes. Que personne dans l’ensemble du processus de publication ne l’ait signalé comme une préoccupation est encore pire. #medtwitter», écrit notamment Sarah Mushtaq, une femme qui porte le hijab.
Mardi, la rédactrice en chef par intérim du périodique s’est excusée sur Twitter.
«Je prends l’entière responsabilité pour la publication de [la lettre du Dr Emil]. Je m’excuse pour les dommages qu’elle a pu causer. J’ai pris la décision de la publier après un appel avec des femmes médecins musulmanes qui s’opposaient à l’image que JAMC a utilisée, disant que cette photo évoquait leurs traumatismes d’enfants forcées à se couvrir», écrit-elle.
Le journal s’est aussi excusé sur son propre compte pour avoir publié une lettre disant que le hijab était un outil d’oppression. Le JAMC dit «être à l’écoute des commentaires» qu’ils ont reçus.
Le débat survient alors que le Canada anglais s’est récemment enflammé contre la loi 21 sur la laïcité de l’État. Ce débat-là a été déclenché lorsqu’une enseignante portant le hijab a été mutée à un poste administratif.