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Loi 21: L’EMSB veut embaucher des enseignants portant des signes religieux

Laïcité
Photo: Getty Images/iStock
Claude Kamal Codsi - Collaboration spéciale

La commission scolaire English Montreal (EMSB) s’est présentée en Cour d’appel lundi pour demander une exception à une règle de droit. En effet, même si la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21), qui est toujours contestée en Cour d’appel, jouit de la présomption de validité pendant toute la durée de sa contestation, la commission scolaire demande de pouvoir mettre immédiatement en application le jugement rendu en Cour supérieure, afin d’embaucher des enseignants portant des signes religieux et ce, avant même que ne se soit rendu le jugement en appel. 

Rappelons les faits. La loi 21 interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignantes et les enseignants du primaire et du secondaire, durant leur prestation de travail. Contestée en première instance, le verdict rendu en avril 2021 par le juge Marc-André Blanchard a validé l’essentiel de ses dispositions mais a statué qu’elle ne devrait pas s’appliquer au réseau scolaire anglophone. Étonnamment, cette exemption à la neutralité religieuse a été accordée en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne qui accorde aux minorités francophone et anglophone du pays le droit à un enseignement public dans leur langue. On peut légitimement se demander en quoi une différence linguistique justifierait-t-elle de déroger à une loi sur la laïcité de l’État. 

En fait, le Juge Blanchard a donné une interprétation très large l’article 23 en se basant sur les arguments de l’EMSB à l’effet que ses institutions d’enseignement désiraient engager et promouvoir des personnes portant des signes religieux, afin de refléter la diversité culturelle de la population qu’elles desservent. 

Le Juge Blanchard permettrait donc à l’EMSB d’embaucher des enseignants au visage couvert ou portant des signes religieux et l’EMSB intente cette action en Cour d’appel afin d’appliquer immédiatement cette décision sans attendre l’issue de la contestation en appel de ce jugement. Autrement dit, EMSB demande de se soustraire à la règle usuelle de droit qui consiste à se soumettre à l’application de la Loi 21 pendant sa contestation. Nul doute que cette saga judiciaire se rendra jusqu’en Cour suprême ! 

Pour ce qui est du fond de cette question, rappelons que les enseignants sont des représentants de l’État tenus, pendant leur prestation de travail, à la neutralité religieuse et politique. La diversité culturelle s’exprime de mille et une façons dans une école et doit être valorisée, Mais le discours tenu lundi par les avocats d’EMSB, à savoir que leur culture est enracinée dans la promotion de la diversité et qu’en empêchant la commission d’embaucher des enseignants portant des signes religieux, la Loi 21 menacerait cette culture, est stupéfiant. Qu’une commission scolaire revendique la promotion religieuse comme une approche pédagogique à la diversité est inacceptable dans un système scolaire laïque. Cela ne constitue pas seulement une entorse à la laïcité, mais une négation de ses principes fondamentaux. La diversité peut se vivre sans nier la laïcité. 

La demande d’EMSB est d’autant plus surprenante qu’elle n’a pas de lien avec les droits collectifs des parents de la minorité linguistique anglophone qu’elle est censée représenter. À cet égard, le MLQ a déposé en Cour d’appel le témoignage d’un parent d’élèves d’EMSB et membre du conseil d’établissement de l’école de ses enfants, qui demande d’appliquer la Loi 21, pour respecter la liberté de conscience de ses enfants et ne pas associer une figure d’autorité à une foi affichée. Lors de la contestation de la Loi 21 en Cour supérieure, d’autres parents ont aussi témoigné pour s’opposer au port de signes religieux par les enseignants. Pour ces parents, ces signes représentent des valeurs contraires à l’éducation morale qu’ils veulent inculquer à leurs enfants. Ces préoccupations ne sont pas exclusives aux parents des commissions scolaires francophones. 

Lundi, le Procureur général du Québec (PGQ) et le Mouvement laïque québécois (MLQ) se sont fermement opposés à cette demande d’exemption (juridiquement nommée demande d’exécution provisoire) de l’EMSB. Ils défendent qu’il n’y a aucune raison de déroger à la règle habituelle de droit dans ce cas. Le PGQ et le MLQ font entre autres valoir que l’article 23 de la Charte canadienne, invoqué par l’EMSB, accorde des droits constitutionnels d’instruction aux enfants dans la langue de la minorité et non pas des droits aux enseignants anglophones de se soustraire aux lois. Or, aucun élève ne sera privé du droit à l’instruction en anglais pendant et après l’instance d’appel et rien ne justifie cette demande d’exemption. 

La protection de la liberté de conscience des parents et des enfants n’est pas tributaire de la langue parlée. Des parents d’écoles anglophones ont aussi à cœur la liberté de conscience de leurs enfants. Ils veulent, eux aussi, qu’ils soient protégés du prosélytisme religieux, actif ou passif. Ils s’opposent également à ce qu’on leur transmette des valeurs contraires à leurs convictions profondes et au principe d’égalité entre les sexes. 

Nous espérons que la demande d’exécution provisoire d’EMSB en Cour d’appel sera rejetée. 

Claude Kamal Codsi, pour le Rassemblement pour la laïcité (RPL)

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