À l’instar de pays comme la France et la Nouvelle-Zélande, le Québec a maintenant ses propres indicateurs de bien-être, fruits du travail collaboratif de 20 organisations des milieux économiques, financiers, sociaux, syndicaux, environnementaux, académiques et philanthropiques.
Considérant que le produit intérieur brut (PIB) et la création d’emplois ne suffisent plus pour évaluer le bien-être des Québécois, les organisations membres et partenaires du G15+ ont créé un nouvel outil.
51 indicateurs documentés
En s’appuyant sur un large survol de la littérature et des initiatives à travers le monde ainsi que sur une approche méthodologique rigoureuse, ils se sont mis d’accord sur une série de 51 indicateurs économiques, sociaux et environnementaux permettant de mesurer le niveau de bien-être au Québec.
Pour définir un indicateur de bien-être, il faut pouvoir le mesurer avec des données rigoureuses, explique la présidente-directrice générale de l’Institut du Québec, qui a copiloté la démarche, Mia Homsy. «Est-ce qu’on sent que chacun des indicateurs évalue la qualité de vie? Oui. Est-ce que les données sont fiables et disponibles? Et est-ce que c’est quelque chose qui revient de façon récurrente dans le temps?», souligne-t-elle.
Ces indicateurs sont accessibles à toute la population sur la plateforme interactive www.indicateurs.quebec.
Par exemple, sous la thématique du logement, on retrouve deux indicateurs documentés, soit les besoins impérieux en matière de logement et le taux d’inoccupation des logements. Un autre indicateur, celui de l’itinérance, n’est toutefois pas documenté.
17 indicateurs non documentés
Outre les 51 indicateurs documentés, le G15+ identifie 17 indicateurs de bien-être non documentés. En effet, plusieurs indicateurs, surtout de nature sociale et environnementale, n’ont pas pu être chiffrés, faute de données robustes et fréquentes.
En plus de l’itinérance comme indicateur non documenté, on trouve notamment le dynamisme de l’entrepreneuriat collectif, la qualité des services de garde à l’enfance ou encore l’évolution de la biodiversité.
«C’était presque impossible d’avoir des données récurrentes et calculées de façon uniforme. Ça peut être des enquêtes ponctuelles faites par une organisation, mais généralement, ça veut dire que ça ne va pas être reproduit et qu’on ne pourra pas se comparer dans le temps et encore moins se comparer aux autres», mentionne Mia Homsy.
Les indicateurs non documentés se retrouvent tout de même sur la plateforme interactive. «On veut signifier qu’il faudrait documenter ces indicateurs», affirme Mme Homsy.
La non-disponibilité de certaines données, notamment en environnement, surprend le secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Denis Bolduc. «On parle de plus en plus d’environnement. Toutes les nations du monde savent qu’on doit agir en environnement. Réaliser qu’il y a certaines choses qu’on n’est pas capable de chiffrer, comme le potentiel de captation du carbone, ça m’a étonné», dit-il.
De son côté, le président de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), Alain Marcoux, dénonce notamment le manque de données sur l’état de la situation en itinérance.
«On se serait attendu à avoir plus de données et un suivi là-dessus parce qu’on a vu quand même dans les dernières années que c’est une question qui prend de plus en plus d’importance, indique-t-il. Même chose avec tout ce qui concerne le bénévolat et l’engagement social.»
Un outil pour les dirigeants
Un des grands objectifs du projet est de guider les décideurs publics dans leurs prises de décisions. C’est pourquoi les indicateurs sont mis à leur disposition.
«C’est vraiment une passe sur la palette aux dirigeants, affirme Mia Homsy. On aimerait beaucoup qu’ils s’inspirent de notre travail pour avoir une vue d’ensemble d’objectifs et qu’ils arriment les politiques publiques autour d’indicateurs comme ça pour fixer les cibles de la société.»
Depuis un certain nombre de semaines, les membres du G15+ rencontrent les différents paliers de gouvernement pour leur parler du nouvel outil. Un appel auprès des partenaires sera aussi fait concernant les indicateurs à documenter.
«On ne dit pas qu’on a la vérité infuse et on ne veut pas dire au gouvernement quoi faire. On veut vraiment montrer que c’est possible de s’entendre, de collaborer et d’exprimer une vision commune du bien-être. On essaie juste de les inspirer et d’inspirer les autres organisations qui veulent faire un exercice similaire.»
Pandémie et mise à jour
Afin de capter les tendances de chaque indicateur de bien-être, ces derniers sont comparés entre les années 2015 et 2019.
Mia Homsy explique qu’il était impossible de choisir les années 2020 ou 2021, puisqu’elles constituent des aberrations statistiques. «C’est des ruptures de tendance, la pandémie», dit-elle.
Cependant, les personnes derrière le projet désirent continuer de mettre à jour les données et de mesurer, dans les années à venir, les effets structurels et conjoncturels de la pandémie.
De manière générale, on note une progression des conditions sociales, environnementales et économiques prépandémiques.
Par exemple, de 2015 à 2019, l’écart entre le taux de chômage des immigrants et celui de la population des 25 à 54 ans a diminué de 41%. Par contre, la santé mentale, perçue comme excellente ou très bonne pour les 12 ans et plus, a fléchi de 4% sur cette période.
«La santé mentale, c’est un élément qui nous inquiète parce que tout indique que quand on aura des données qui vont tenir compte de la pandémie, ça va être pire», explique Mme Homsy.