Il y a trop de monde dans les centres de détention pour immigrants, et les prisons provinciales prennent le relais. Dans le cadre des élections, Amnistie internationale demande aux partis politiques de se prononcer contre cette mesure, qui ne ferait qu’augmenter la capacité de détention à long terme des personnes migrantes.
Chaque année, de nombreuses personnes migrantes et demandeuses d’asile sont détenues par les services frontaliers. Elles se retrouvent normalement dans des centres de surveillance de l’immigration (CSI). Toutefois, des ententes avec les différentes provinces permettent la détention dans des prisons provinciales lorsque nécessaire. Amnistie internationale espère que Québec emboîtera le pas à la Nouvelle-Écosse et à la Colombie-Britannique en mettant fin à son contrat avec l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
Il existe désormais une pression claire pour mettre fin à cette pratique néfaste dans tout le pays. Nous exhortons les autres provinces et le gouvernement fédéral à suivre cet exemple.
France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone
Les agents frontaliers peuvent décider de placer une personne en détention pour de multiples raisons, en plus des cas où la personne représente un danger pour la sécurité publique. Par exemple, ils peuvent considérer qu’elle ne se présentera pas au contrôle ou à toute autre procédure d’immigration. Ou, tout simplement, il arrive que la personne n’arrive pas à prouver son identité.
Détenu 11 ans sans pouvoir prouver son identité
Amnistie internationale rappelle que le Canada est un des rares pays occidentaux à ne pas avoir de limite légale quant à la durée de la détention des personnes migrantes. Pour l’avocat en droit de l’immigration Laurent Gryner, la durée de la détention peut ainsi s’avérer assez longue et avoir des conséquences directes sur l’état psychologique des migrant·e·s détenu·e·s.
«Une des problématiques, c’est que ça peut durer assez longtemps, ce régime de détention […] Ça peut durer plusieurs semaines, voire dans certains cas plusieurs mois, explique Me Gryner. Un des impacts majeurs, c’est l’atteinte à la santé mentale de ces personnes.»
Amnistie internationale dénonce ces durées indéterminées de détention, qui peuvent s’étaler sur plusieurs années.
«Human Rights Watch et Amnistie internationale ont découvert que, depuis 2016, le Canada avait maintenu plus de 300 migrant·e·s en détention pendant plus d’un an, explique Amnistie internationale. La durée la plus longue était de plus de 11 ans et concernait un homme ayant, semble-t-il, un handicap psychosocial, qui a été détenu à l’isolement cellulaire et dont les autorités n’ont pas pu établir l’identité.»
Ces personnes peuvent se retrouver dans des prisons provinciales et donc au même endroit que des détenus incarcérés pour des raisons criminelles.
«Au cours de l’année qui a suivi le début de la pandémie de COVID-19, l’agence s’est appuyée davantage sur les prisons provinciales, y détenant 40% des personnes incarcérées par les services d’immigration», déclare Amnistie internationale.
Le Québec parmi les premiers en matière de détention
Selon l’organisme, des milliers de ces personnes auraient été détenues dans des prisons provinciales au cours des cinq dernières années. Selon l’ASFC, entre le premier et le deuxième trimestre de son exercice financier 2021-2022, le Québec enregistre la plus forte augmentation du nombre de détenus avec 8% de personnes en plus.
Entre le 1er juillet et le 30 septembre 2021, la province était la troisième à détenir le plus de personnes, avec 106 détenus. Ces chiffres étaient encore plus importants avant la fermeture des frontières due à la pandémie. Entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020, le Québec détenait 1755 personnes.