Le 7e congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (IE) s’ouvrira mardi à Ottawa, alors que se poursuit la mobilisation pour faire libérer un représentant d’une association d’enseignants iraniens qui souhaitait se rendre au Canada.
Esmail Abdi, de l’Association professionnelle des enseignants iraniens, aurait été arrêté le 27 juin à Téhéran après avoir tenté d’obtenir un visa pour participer au congrès de l’IE à Ottawa.
M. Abdi se serait rendu à la frontière de l’Arménie pour obtenir ses documents de voyage. Les autorités lui auraient plutôt confisqué son passeport pour ensuite lui ordonner de retourner à Téhéran pour rencontrer des procureurs. Il aurait alors été arrêté le 27 juin, puis incarcéré à la prison d’Evin.
Cette arrestation fait suite à de grandes manifestations organisées à travers l’Iran au cours des derniers mois par des regroupements d’enseignants qui réclamaient de meilleurs salaires et la libération de certains de leurs confrères arrêtés par les services de renseignement.
L’Internationale de l’Éducation s’est dite fortement préoccupée par cette arrestation qu’elle qualifie «d’abjecte» et par la répression dont sont victimes les enseignants en Iran.
«Nous avons demandé notamment aux Nations unies d’intervenir», indique le secrétaire général de l’IE Fred Van Leeuwen, en entrevue à La Presse Canadienne.
Une réalité qui teintera certainement une partie des discussions qui se dérouleront de mardi à dimanche à Ottawa; quelque 2000 délégués en provenance de 150 pays débattront alors des grands enjeux liés au domaine de l’éducation.
Des préoccupations qui peuvent être bien différentes pour les 30 millions de membres que compte l’organisation à travers la planète. L’IE se décrit d’ailleurs comme étant la plus grande fédération syndicale mondiale.
Alors que des thèmes tels que la privatisation et la marchandisation de l’éducation galvanisent les troupes dans certaines parties du monde, plusieurs enseignants ne songent qu’à leur survie.
La situation est notamment alarmante au Nigeria. «Au cours des quatre dernières années, environ 250 enseignants ont été assassinés par le groupe extrémiste Boko Haram», s’indigne M. Van Leeuwen.
«Nous avons tous suivis les nouvelles sur les jeunes filles enlevées par ces extrémistes, mais il n’y a pas eu beaucoup d’attention sur le sort réservé à tous ces enseignants», souligne-t-il. Avec le support des Nations unies, l’Internationale de l’Éducation a mis sur pied un programme pour aider les gouvernements et les associations d’enseignants à mieux protéger leurs écoles.
«Des conférences comme celle que nous tenons cette semaine à Ottawa sous le thème « Uni(e)s pour l’éducation » offre un support moral à ces organisations, explique M. Van Leeuwen. Ils voient qu’ailleurs dans le monde, les droits des enseignants sont respectés et nous discutons de la meilleure manière d’aider ces syndicats dans leurs pays.»
En plus de la question de la sécurité dans les écoles et de la protection des droits à la syndicalisation, les délégués de l’IE discuteront cette semaine de nouvelles stratégies à déployer pour protéger les systèmes publics d’éducation.
«Le marché a faim, résume M. Van Leeuwen. On voit dans les grandes négociations sur le libre-échange des propositions pour ouvrir le marché de l’éducation et nous pensons que ça ne va pas nous aider à garantir une bonne qualité de l’éducation.»
L’IE souhaite également combattre la «déprofessionnalisation» du métier d’enseignant. «La profession d’enseignant souffre, estime M. Van Leeuwen. L’autonomie de l’enseignant est restreinte. Ils ne peuvent plus choisir leur matériel, leurs méthodes pédagogiques… c’est très dangereux pour la qualité de l’éducation.»
Plusieurs organisations syndicales canadiennes sont membres de l’IE, dont la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, l’Association canadienne des professeures et des professeurs d’université, la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche et la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec.
La CSQ, qui siège au Bureau exécutif de l’IE depuis 2004, fait aussi état d’enjeux communs dans le monde sur «la marchandisation, la privatisation et la réduction de l’accès à une éducation publique de qualité pour tous».
«Le congrès de l’IE est une occasion formidable pour tisser des liens avec de multiples organisations syndicales à l’international et ainsi travailler ensemble à ce que nos gouvernements mettent l’éducation — moteur de l’économie et gage d’une société plus juste, plus égalitaire — au cœur de leur priorité», fait valoir par communiqué la présidente de la CSQ, Louise Chabot.