Débuts snobés par la presse branchée, traversée du désert dans les années 1990, décès d’un membre clé: Indochine a survécu à tout, renoué avec le succès, et lance cette semaine les célébrations de ses 40 ans.
C’est un exemple unique en France. «Des groupes français qui perdurent, il y en a plein, mais ils ne remplissent pas les salles: Indochine est le seul qui a du succès sur 40 ans, fait des hits à 20 ans d’intervalle et a des fans sur trois générations», résume pour l’AFP Christian Eudeline, auteur du livre L’aventure Indochine (Prisma).
Officiellement, l’anniversaire de la bande à Nicola Sirkis – fondateur et seul rescapé des premières heures – tombe l’an prochain. Mais la fête commence avec la sortie d’une première compilation, Singles Collection 2001-2021, ce vendredi. Le deuxième volet, 1981-2001, sera livré le 27 novembre (labels Indochine Records/Sony). Et une tournée des stades – scène au milieu de la foule et écran géant à 360° – est programmée au printemps-été 2021.
Le visuel de la compilation s’articule autour d’adolescents au look punk-gothique, mi-inquiets, mi-bravaches. «C’est un hommage à ce qu’on était à l’époque où on a l’inconscience de créer un groupe de rock, à 16-17 ans», confie à l’AFP Nicola Sirkis, sexagénaire à l’allure toujours juvénile.
«Il y a la jeunesse, la fougue, et la peur de ne pas savoir où on va dans un monde d’adultes, poursuit-il. Et on été très bien servis ! On nous a dit tout de suite: « le nom du groupe est nul! Arrêtez tout! (rires) ». Alors on a signé avec la seule maison de disque qui nous autorisait à garder notre nom (rires)».
«Plein la gueule»
Choisir Indochine «c’était vu comme s’appeler Algérie française», se souvient Sirkis. Pour celui qui ne se voyait pas faire carrière, c’est une référence à Marguerite Duras, qu’il relit régulièrement tout comme «Rimbaud, Apollinaire, Mallarmé». Sans oublier J.D. Salinger, cité dans un hit du groupe.
Et Indochine, c’est tout un roman. «Quand le single Dizzidence Politik sort (en 1981), les branchés adorent, mais quand le grand public s’empare de L’aventurier (1982), alors la presse branchée dit « c’est de la merde »», relate Christian Eudeline, également rédacteur en chef du nouveau bimestriel Vinyle & Audio.
«On en a pris plein la gueule: « quoi, pas de batteur? ah, non c’est pas du rock ! » et maintenant les mêmes journalistes vénèrent les boites à rythme, bon, c’est le jeu», commente Sirkis, philosophe.
Les années 1990 s’assombrissent. Le groupe est au creux de la vague. Une parodie des Inconnus leur colle à la peau. Il y a aussi des changements de musiciens et un drame. Stéphane Sirkis, jumeau de Nicola et guitariste du groupe, succombe à 39 ans en 1999 d’une hépatite, terme d’une vie rock’n’roll.
«Ce qu’on a traversé»
«C’est la déprime, les interrogations, « pourquoi? », « qu’est ce qu’on n’a pas su faire? », « c’est super cher payé cette histoire »», rembobine Nicola. Après le temps de la douleur, vient la décision de continuer: «Indochine, l’âme de Stéphane est là».
Les années 2000 sont celles du renouveau. Il y a une belle histoire. Olivier Gérard (nom de scène Oli de Sat), un graphiste, fan et lui-même musicien, envoie des remixes à Indochine. Nicola le repère. Lui confie une pochette à réaliser. Le barbu sera ensuite chauffeur du groupe, prompteur, puis de fil en aiguille, membre de la formation.
Vient alors Paradize (2002), album riche en collaborations, notamment le hit J’ai demandé à la lune signé par Mickaël Furnon (Mickey 3D).
Le récent single Nos célébrations est escorté d’un beau clip animé qui fait défiler quatre décennies. «C’est tout ce qu’on a traversé, de l’élection de Mitterrand au Covid-19, à la fin le train s’arrête à une gare: le chemin est encore à venir, ou pas, on verra», synthétise Nicola. Vu son enthousiasme, ce n’est sans doute pas le terminus.