Un plateau de cinéma plus responsable ne se limite pas à amener sa gourde, bien au contraire. Voici quelques exemples – de plus en plus nombreux au Québec – donnés par deux femmes impliquées dans les tournages verts, Anne-Catherine Lebeau et Caroline Voyer.
Pour planter le décor des tournages verts, prenons l’exemple du populaire film d’Anaïs Barbeau-Lavalette encore à l’affiche, La déesse des mouches à feu. Caroline Voyer, directrice générale du Réseau des femmes en environnement, s’est plusieurs fois rendue sur le tournage pour constater les efforts mis en place par la production afin de respecter l’engagement écologique de la réalisatrice.
Celle-ci salue d’abord l’osmose de tous les corps de métier (maquillages, costumes, décors, etc.) pour satisfaire au mieux cette volonté. «À un moment dans La déesse des mouches à feu, les jeunes se réunissent dans un genre de chalet. Il faut savoir que la bâtisse a été construite de toutes pièces, explique Caroline Voyer. Typiquement, quand on fabrique des décors comme ça, les matériaux sont jetés à la fin du tournage. Mais là, tout a été prévu dès le départ, de leur récupération à leur réutilisation. On peut vraiment dire que la planification a été pensée en économie circulaire.»
Et justement, le réemploi des matériaux est l’un des objectifs de l’organisme à but non lucratif d’économie sociale Écoscéno, dont Anne-Catherine Lebeau est cofondatrice et directrice générale, et qui oeuvre dans le cinéma et les arts vivants.
«En collaboration avec le Conseil québécois des évènements écoresponsables, nous avons identifié certaines actions liées aux décors pour les rendre moins dommageables pour l’environnement. Nous priorisons toujours le réemploi plutôt que l’achat de matériaux neufs, qui exige extraction et production. Ça permet aussi de s’approvisionner plus localement plutôt que de commander sur Amazon, par exemple», explique-t-elle.
Des tournages verts en pleine expansion
«Plusieurs plateaux s’approvisionnent déjà chez nous», poursuit Anne-Catherine Lebeau, qui indique une forte croissance pour Écoscéno depuis sa création il y a 18 mois. Et d’ajouter «il y a clairement une demande énorme du milieu du cinéma».
Toujours selon elle, Hollywood émettrait des pressions de plus en plus fortes pour l’accélération des tournages verts au Québec. «En Californie, ils embauchent des personnes responsables du développement durable sur les plateaux à plein temps. Elles sont obligées de rendre des comptes. Alors pour que Montréal soit plus compétitive pour recevoir des tournages étrangers, nous devons avancer à vitesse grand V. Il y a très peu de services écoresponsables en ce moment qui sont développés à Montréal, alors que c’est l’inverse en Colombie-Britannique».
«Notre créneau, plutôt que de faire business as usual et de payer une compensation carbone à la fin d’un tournage, nous agissons sur la réduction à la source et la minimisation de l’impact de toutes les étapes et là où on le peut», dit-elle.
«Le message que nous essayons de faire passer et que si on construit avec des matériaux un peu plus nobles et plus chers, les frais d’enfouissement seront nettement diminués.» Anne-Catherine Lebeau d’Écoscéno
Les défis du transport
Anne-Catherine Lebeau précise aussi qu’Écoscéno offre un service de livraison carboneutre. «Pour les petits objets, ce sont des camions électriques en partenariat avec Courant Plus. Pour les plus gros, évidemment on maximise toutes nos routes pour que cela génère le moins de pollution possible.»
Pour Caroline Voyer, l’enjeu des transports est en effet de taille: «il faut se pencher sur ce volet-là, qui est l’un des gros chantiers des prochaines années. En temps de crise climatique, on sait que le Québec a encore du chemin à faire… L’une des solutions ça serait d’offrir plus de véhicules électriques et hybrides en location.»
«Il y a peu de véhicules qui correspondent aux besoins des plateaux en location, comme des camions», déplore-t-elle.
Enfin, Caroline Voyer confie qu’il est primordial «de maintenir la flamme» pour les tournages verts du début à la fin des productions. «Même quand la volonté est intacte, il y a parfois un essoufflement quand on dépasse les heures et les budgets. C’est pour cela que nous avons besoin de sustainability stewards dont c’est le travail de veiller au maintien de l’écoresponsabilité sur les plateaux.
Et la bouffe dans tout ça?
Les cantiniers et les traiteurs doivent penser approvisionnement local, durable, éthique, «car c’est important dans le cadre des tournages verts», formule Caroline Voyer du Réseau des femmes en environnement. «Sur le tournage de La déesse des mouches à feu, la cantinière incitait les gens à apporter leurs contenants réutilisables. Il y avait aussi des distributrices à eau et à limonade pour que les gens viennent remplir leur gourde. Ce sont tout simplement des petites initiatives comme celles-ci qui évitent les ustensiles et la vaisselle à usage unique. Elle récupérait aussi le composte», se souvient-elle.