L’avortement ne semble pas être un sujet facile à traiter pour les créateurs et créatrices de séries québécoises (lisez ici notre dossier à ce sujet), mais quelques scènes ont néanmoins marqué les mémoires au fil des ans. En voici cinq retenues par Métro.
Dans Lance et compte, à Radio-Canada, en 1989, Marie-France Gagnon (Valérie Valois), la sage fille adolescente de Marc Gagnon (Marc Messier), vivait une romance qu’elle croyait idyllique avec un garçon de son école, André (Marc-André Coallier), mais se faisait vite larguer par ce dernier et découvrait ensuite avec stupéfaction qu’elle était enceinte. Bien décidée à ne pas en glisser mot à son célèbre hockeyeur de papa, elle se confiait à sa belle-maman Suzie (Marina Orsini) qui, respectant son désir, l’accompagnait se faire avorter en cachette. Cette intrigue importante de la troisième saison de la série de Réjean Tremblay donnait ensuite lieu à une douce scène de tendresse entre Suzie et Marie-France alors que l’intervention venait de se terminer… et occasionnait une énième rupture entre Marc et Suzie. Aussi, dans Lance et compte: Nouvelle génération, en 2002, Pierre Lambert (Carl Marotte) jouait un peu dans le même film, alors que sa fille Jessica (Charli Arcouette) faisait une fugue pour camoufler qu’elle était elle aussi tombée enceinte de son amoureux du moment.
Dans Urgence, à Radio-Canada, en 1997, une jeune femme interprétée par Marie-Josée Croze entrait à l’urgence de l’hôpital Cœur-de-Jésus en hémorragie et était prise en charge par l’urgentologue Daniel Trudeau (Serge Postigo) après avoir tenté de s’avorter elle-même… avec une fourchette. Le cas avait bien sûr soulevé autant d’incompréhension et de dégoût que de compassion chez les personnages de la série signée Fabienne Larouche et Réjean Tremblay. La patiente allait ensuite recevoir un diagnostic de trouble de santé mentale, et mettre fin à ses jours en s’introduisant dans une sécheuse industrielle de l’hôpital, à l’insu du personnel.
Dans Rumeurs, à Radio-Canada, en 2007, sous la plume d’Isabelle Langlois, alors que son conjoint Jacques (Stéphane Archambault) et elle gardaient le neveu de ce dernier, et qu’elle devait aider sa meilleure amie Esther (Lynda Johnson) à déménager, Hélène (Geneviève Brouillette) filait en catimini à la clinique d’avortement pour interrompre une grossesse qu’elle avait, jusque-là, gardée secrète. C’est finalement accompagnée de sa patronne, la redoutable madame Lauzon (Véronique LeFlaguais), qu’Hélène se rendait à son rendez-vous. Dans la salle d’attente, elle se confondait en justifications pour expliquer sa décision à sa supérieure, qui lui répliquait d’assumer son choix. «Il vient un temps dans la vie d’une femme où elle doit se comporter en homme», martelait Michèle Lauzon. Les deux femmes quittaient plus tard la clinique sur un regard chargé d’émotion, mais aucune autre parole n’était prononcée. Jacques allait ensuite quitter Hélène en apprenant sa trahison. La série est disponible sur ICI Tou.tv.
C’est peut-être La galère, à Radio-Canada, en 2007, qui a abordé l’avortement de la façon la plus décomplexée. L’auteure Renée-Claude Brazeau, en tout début de série, avait mis en scène son personnage de Stéphanie (Hélène Florent), installé confortablement, s’informant à savoir si elle avait le droit de fumer et prenant des appels (elle faisait croire qu’elle était à un 5 à 7). Il fallait quelques secondes aux téléspectateur.trice.s pour comprendre que Stéphanie avait alors les deux pieds surélevés et qu’elle était en train de subir un avortement. Pour une rare fois, on assistait à un avortement en temps réel à la télé québécoise! Ses copines Mimi (Brigitte Lafleur), Claude (Anne Casabonne) et Isa (Geneviève Rochette) tenaient alors illico un appel conférence pour statuer sur la question: «Je pense que Stef se fait encore avorter!»; «Faut qu’elle prenne la pilule, quelque chose, l’avortement ne peut pas être un moyen de contraception!» Une fois l’intervention terminée, pendant que ses amies s’obstinaient à savoir si elles devaient ou pas parler à Steph à ce sujet, celle-ci faisait fi des bons soins que tentait de lui prodiguer une gentille infirmière et s’échappait en vitesse de l’établissement médical, en jaquette d’hôpital, pour aller s’allumer une cigarette dans sa voiture… tremblante et les larmes aux yeux. La série est disponible sur ICI Tou.tv et rediffusée à Unis TV.
Dans Les pays d’en haut, à Radio-Canada, en 2017, l’auteur Gilles Desjardins avait bien sûr intégré l’avortement à son histoire d’un point de vue historique, sa saga inspirée des écrits de Claude-Henri Grignon ayant été campée au milieu des années 1880. Délima Poudrier (Julie Le Breton) constatait avec effroi que Rosa-Rose (Marie-Ève Milot) n’avait pas «saigné» un certain mois, et fournissait à sa jeune protégée un «poison» qui promettait de «faire partir [son] bébé»… en lui faisant jurer de ne jamais en souffler mot à qui que ce soit. «On pourrait aller en prison à cause de ça», plaidait Délima. La pauvre Rosa-Rose se vomissait le corps à l’ingestion du mystérieux élixir… mais le fœtus n’avait pas été éliminé pour autant. C’est finalement une «petite opération», douloureuse et traumatisante, pratiquée par un docteur venu de la ville, qui allait délivrer la frêle jeune femme de ce qui s’annonçait comme un lourd fardeau. La série est disponible sur ICI Tou.tv.