Culture

Fini la croissance pour Le Festif! de Baie-Saint-Paul

Philippe B a lancé les concerts de la deuxième journée de la 14e édition du Festif! de Baie-Saint-Paul, vendredi à 17 h, sur l’intimiste scène Loto-Québec, entourée d’arbres.

Le Festif! de Baie-Saint-Paul, dont la 14e édition bat son plein jusqu’à dimanche, a depuis l’an passé atteint sa pleine maturité. Et l’emblématique festival de Charlevoix compte désormais se maintenir ainsi. 

Lointaine est l’époque où le festival n’accueillait que quelques milliers de festivalier.ères. Si la première édition, en 2010, avait attiré environ 2000 personnes, ce sont plus de 48 000 individus qui ont occupé en 2022 le centre-ville de Baie-Saint-Paul, municipalité d’à peine 7500 âmes.  

Cette année, Le Festif! s’attend à une affluence similaire, indique le fondateur et directeur du festival, Clément Turgeon Thériault, en entrevue avec Métro

Contrôler la croissance 

 
Vous est-il arrivé d’entendre de la part d’adeptes de festivals de musique hors de Montréal que Le Festif! était rendu… trop gros? Serait-il victime de sa croissance? Clément ne voit certainement pas la situation de cet œil. 

Dans la perspective où le Festif! se déploie en plein cœur du village, que des concerts ont lieu dans des endroits atypiques tels que les commerces, les balcons ou les terrains des résident.e.s, « on a atteint la limite qu’on juge correcte », affirme le fondateur « amoureux » de Baie-Saint-Paul, qu’il habite lui-même.  

Lors de la consultation publique que l’équipe du festival a tenue plus tôt cette année, des résident.e.s se sont demandé si son plan était de poursuivre sa croissance. « On a pu les rassurer que non », assure-t-il, soulignant que le Festif! n’a pas augmenté le nombre de billets en vente. 

Les sites qui accueillent les concerts du festival, gratuits comme payants, sont en effet remplis au maximum, indique le fondateur. « Côté hébergement et infrastructures, on ne veut pas se rendre plus loin que ça. Ce n’est pas nécessaire. Ça ne servirait personne d’augmenter le nombre de personnes sur ces sites. » 

En matière d’affluence, Clément relève que les plus grandes difficultés sont liées aux nombreux concerts gratuits, qui se déroulent sur des sites de moindre taille (comme la caserne de pompier ou une boutique de vêtements) et où il est évidemment plus difficile d’évaluer le nombre de personnes, dont des résident.e.s du village, qui seront présentes. 

Clément Turgeon Thériault, fondateur et directeur artistique et général du Festif! de Baie-Saint-Paul. Photo : Francis Gagnon

Changements 

La saturation du nombre de festivalier.ère.s a mené cette année à certains changements, le plus notable étant le retrait, pour des raisons de sécurité, de l’archi populaire scène flottante. Installée sur la rivière du Gouffre depuis 2019, elle offrait des concerts que les festivalier.ère.s pouvaient regarder à bord de kayaks, pneus gonflables ou autres embarcations nautiques du genre.  

« L’achalandage était difficile à contrôler; les gens arrivaient de partout dans la rivière », affirme Clément Turgeon Thériault. 

Mais le festival avait déjà décidé de la retirer en raison des intenses inondations qui ont frappé Baie-Saint-Paul en mai dernier. « Le visage de la rivière du Gouffre a changé depuis les inondations, indique le fondateur. On n’aurait même pas pu ramener la scène. » 

Le Festif! a également renouvelé son offre de scènes de proximité réunissant une centaine de personnes, fait savoir Clément. « On a aussi retiré quelques sites un peu plus énergivores pour l’équipe. »  

En outre, après avoir prolongé jusqu’à la nuit du dimanche au lundi sa précédente édition, qui en était une de relance post-pandémique, le festival se conclut cette année dimanche midi, comme à l’accoutumée.  

C’était prévu, fait savoir Clément. « Pour ne pas trop étirer l’édition et ne pas que la population soit agacée. Mais même pour l’expérience du festivalier, c’est plus magique d’y aller plus concentré. » 

Appui de la population   

Le Festif! a depuis toujours à cœur le bien-être de sa population, qui accueille chez elle des dizaines de festivalier.ère.s durant quelques jours, sensibilisant plus que jamais les convives à ce contexte de proximité, incitant à la fin des concerts les gens à prendre soin de Baie-Saint-Paul. 
 

« On rappelle toujours aux festivaliers qu’on est à même la communauté. On n’est plus dans la pression de vendre des billets : on est plus dans un message rassurant », indique Clément Turgeon Thériault.  

Vu l’ascension qu’a connue le festival en quelques années, il allait de soi de se demander comment les résident.e.s composaient avec ce rendez-vous estival prisé des mélomanes. 

La consultation publique de cette année — un exercice auquel s’est prêté à plusieurs reprises déjà Le Festif!, mais qu’il a davantage médiatisé cette année — lui a de nouveau permis de prendre « le pouls de la population ».  

D’ailleurs, Clément souhaite que le message passe clairement : « Le festival n’est pas en guerre contre les résident.e.s. Ce n’est vraiment, vraiment pas le cas! On a un gros soutien de la population. »  

La situation ayant été dépeinte dans certains médias de façon plus négative, cela « a pu donner des munitions à certaines personnes », déplore-t-il.  

Pour un commentaire négatif, affirme-t-il, la population ayant pris part à la consultation y est majoritairement allée de suggestions visant à améliorer le festival.  

« On n’était pas dans une ambiance de confrontation; les gens avaient des commentaires constructifs, se souvient Clément. On pensait que les gens pouvaient être frustrés pour certaines raisons, finalement, ce n’était pas le cas. La plupart des gens sont derrière notre organisation. Beaucoup de gens étaient là pour nous suggérer des artistes, en fait. » 

Le Festif! ne pourrait vibrer de la sorte sans l’appui des Charlevoisien.ne.s. « Je vais rarement à Montréal, on reste dans notre communauté, dit Clément. On va dans les soupers spaghettis, on sert des hot-dogs au Club Optimiste, et c’est ce qui fait qu’on peut faire des shows dans la cour de Johanne ou sur le balcon de Ginette. On les connaît, les gens. On est restés nous-mêmes. » 

Lorsque Clément Turgeon Thériault a abandonné ses études universitaires il y a plus de 14 ans afin de se vouer à la fondation du Festif!, envisageait-il que son bébé susciterait un tel engouement? « J’avoue avoir eu un instinct vraiment fort qu’il fallait que je fasse ça et que ça allait marcher. » Cette tentative aura été l’une des meilleures décisions de sa vie. 

Si le père du Festif! croyait en son idée d’événement d’envergure qui animerait les rues et la population de Baie-Saint-Paul et ferait rayonner le village, il ne s’attendait pas à un tel « succès critique », Le Festif! ayant inspiré depuis ses débuts maints autres festivals de la province, en plus d’attirer massivement médias et professionnel.le.s de l’industrie.  

« Cette reconnaissance du milieu, je ne l’aurais jamais espérée. Et c’est flatteur. » 

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