LETTRE OUVERTE – On s’est beaucoup inquiété, avec raison, de l’impact de l’école à distance sur la santé mentale des enfants. Mais avons-nous pensé à celle de leurs parents en télétravail? Car il faut le reconnaître: selon le témoignage d’un très grand nombre d’entre eux, superviser l’école à distance tout en travaillant de la maison n’est tout simplement pas gérable.
Si cette pandémie nous a fait faire des bonds de géant dans l’intégration des technologies qui permettent de travailler et d’étudier sans sortir de chez soi, elle vient aussi bouleverser profondément notre rapport à la notion de conciliation famille-travail.
Jusqu’à maintenant, cette notion renvoyait surtout à l’idée d’un équilibre entre deux sphères séparées de notre vie, la famille et le travail, tout en manœuvrant pour faire en sorte que l’une empiète le moins possible sur l’autre, et vice-versa. Mais que faire lorsque les deux sphères se superposent? Lorsque les responsabilités liées au travail et à la famille doivent être exercées simultanément, comme c’est le cas avec le télétravail et l’école à distance?
Insérez ici un bruit de criquet …
La vérité, c’est qu’on a très peu pensé à cette question, et ce, au détriment de la santé mentale des parents, pris dans l’étau des exigences de leur patron et des attentes de l’école. La pression est énorme. L’enjeu est le même pour les parents de tout-petits qui se voient privés de service de garde. Sans compter la pression accrue sur les grands-parents, souvent les seuls capables de venir à la rescousse des parents qui ne savent plus où donner de la tête, du bras, de la jambe … L’apport des aînés est ici considérable.
Bien des gens, avec les meilleures intentions du monde, disent aux parents : ne vous mettez pas tant de pression! Faites de votre mieux! Mais ce n’est pas si simple. Pensons aux parents qui doivent gérer seuls ce quotidien parce qu’ils sont monoparentaux, que leur partenaire est travailleur essentiel ou encore, parce qu’ils doivent également s’occuper de leur tout-petit qui a le nez qui coule. Ce fameux lâcher-prise ne peut se faire qu’au prix d’un sentiment de double-échec, soit celui d’être un mauvais parent et un mauvais employé. Ce n’est pas facile à avaler!
Dans un sondage à paraître bientôt et réalisé par Léger auprès de 1 000 employeurs québécois pour le compte de Concilivi, une initiative du Réseau pour un Québec Famille, on apprend que la moitié de ceux-ci (48 %) ont changé leurs pratiques en conciliation famille-travail dans le contexte de la pandémie. Pour 85 % de ces entreprises, il s’agira de changements durables qu’on ne peut qu’applaudir.
De son côté, l’école a aussi montré une capacité d’adaptation impressionnante en intégrant l’enseignement à distance à vitesse grand V. Comme quoi il n’y a pas que du mauvais dans cette situation.
Mais les nouvelles réalités du télétravail et de l’école à distance, deux phénomènes appelés à perdurer, nous invitent maintenant à penser différemment les enjeux de conciliation famille-travail, notamment pour tenir compte des interactions entre le rôle de parent et celui de travailleur, dans un contexte où ces responsabilités doivent être exercées simultanément.
Corinne Vachon Croteau et Alex Gauthier
Directrice générale et président du Réseau pour un Québec Famille (RPQF)