La pandémie a amené de plus en plus de restaurants à mettre de côté le menu imprimé pour privilégier celui qui apparaît sur notre cellulaire grâce à la numérisation d’un code QR. Est-ce une pratique qui est là pour de bon?
Ce changement d’habitude visait avant tout à limiter les contacts physiques entre la clientèle et le personnel par précaution sanitaire. Mais ça permet en plus à celui-ci de sauver des pas, soustrayant une étape dans le service. Disons que dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas rien.
Un enjeu écologique?
Du même coup, les propriétaires de restaurants ont pu économiser en frais d’impression et de plastification de menus et réduire, au passage, leur empreinte environnementale.
François Pageau, expert en restauration et professeur en gestion à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), n’est cependant pas convaincu que les préoccupations environnementales seront à l’origine d’une transition éventuelle du menu papier vers le numérique de façon généralisée.
«Ce ne sont pas les menus des restaurants qui vont décimer les forêts canadiennes.»
Les établissements qui changent de menus régulièrement privilégient l’affichage sur l’ardoise ou même l’explication orale plutôt que la réimpression, dit-il.
L’impression de menus n’est peut-être pas la menace environnementale numéro un dans la restauration, convient Anne-Marie Asselin, cofondatrice de l’Organisation bleue, un organisme pour la conservation de l’environnement. Cependant, elle estime que «sur une planète à capacité limitée en constante évolution, on devrait toujours être en quête de moyens d’utiliser moins de ressources».
Elle précise que l’enjeu que représente la gestion des matières résiduelles est beaucoup plus préoccupant à l’heure actuelle dans le domaine de la restauration. Pourquoi? Parce que la plupart des aliments et même des matières recyclables se ramassent à la poubelle, se désole-t-elle.
L’attrait techno
Outre les raisons sanitaires (qui risquent de nous hanter encore pour un certain temps), François Pageau croit que le principal attrait des menus numériques est l’expérience technologique.
C’est une pratique qui existait d’ailleurs déjà avant la pandémie, fait-il d’ailleurs remarquer. Des adresses comme le Crew Collective & Café à Montréal vont plus loin que la simple numérisation du code QR en permettant à la clientèle de commander et de payer directement avec son cellulaire. Le serveur ne fait que venir porter la commande sans avoir à la noter au préalable.
M. Pageau apprécie également la possibilité de faire des mises à jour rapidement. Plus de calmars ce soir? En deux ou trois clics, on l’enlève de la carte.
Vers une cohabitation
Le menu imprimé est cependant loin d’être mort, pense Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales à l’Association Restauration Québec.
«Le choix va dépendre des gestionnaires et de la clientèle de chacun des restaurants. Peut-être que les endroits fréquentés par une clientèle plus jeune privilégieront le numérique [même après la pandémie], mais il faudra toujours qu’il y ait un menu imprimé en soutien pour les gens qui n’ont pas de téléphone intelligent ou ne sont pas à l’aise avec la technologie.»
Anne-Marie de l’Organisation bleue est d’accord avec M. Vézina, mais mousse la transition numérique.
«On vit dans un monde qui change rapidement, dans lequel on est appelé à s’adapter tout aussi vite. Il faut faire le deuil du romantisme d’avant puisqu’il y a maintenant des considérations environnementales, sanitaires, sociétales à prendre en compte. C’est déstabilisant, certes, puisque [la transition numérique] vient avec une certaine dépendance aux technologies, mais pourquoi ne pas le faire si on peut simplifier la vie des gens?»