L’acteur américain Will Smith a créé tout un émoi en frappant Chris Rock à la suite d’une blague ciblant l’apparence de sa femme, Jada Pinkett Smith, atteinte d’alopécie. Pour ceux qui l’ignorent encore, voici de quoi il s’agit et pourquoi personne ne devrait en rire.
L’alopécie areata est une maladie auto-immune, comme le diabète de type 1 ou la sclérose en plaques, causant la perte de cheveux ou de poils à différents endroits sur le corps. Elle peut aussi provoquer des démangeaisons ou des rainures aux ongles.
D’après le directeur de recherche scientifique de l’organisme Canadian Alopecia Areata Foundation (CANAAF), chaque personne a 2% de risque de développer la maladie une fois dans sa vie, peu importe l’âge, le sexe ou l’origine ethnique.
Et les pertes de cheveux peuvent être irréversibles, surtout si la condition n’est pas traitée rapidement et que la racine est touchée.
«On sait que la génétique joue un rôle important, précise Anthony Gilding. Dans l’alopécie, les follicules pileux sont attaqués par le système immunitaire, comme s’ils étaient des pathogènes étrangers. Cela cause de l’inflammation et c’est ce qui fait tomber les cheveux.»
Car le problème avec l’alopécie, c’est qu’on ne sait pas ce qui la déclenche, ni pourquoi elle se développe.
«C’est tellement complexe, et il n’y a pas assez d’études pour comprendre», explique Audrey Roy-Dorval, immunologiste, microbiologiste et représentante francophone pour l’organisme.
Plusieurs types d’alopécie existent selon la zone du corps affectée. La maladie peut toucher la tête, tout le corps ou seulement le cuir chevelu.
ll n’existe aucun remède à ce jour. Toutefois, des médicaments et des traitements existent pour atténuer ses effets.
Rien de drôle
L’alopécie apporte aussi son lot de problèmes psychologiques, en grande partie à cause des standards de beauté.
«Quand les femmes sont représentées chauves à la télé, c’est parce qu’elles ont le cancer. Alors les femmes qui ont l’alopécie se font aborder dans la rue et se font dire: “as-tu le cancer, c’est correct, moi aussi j’ai eu ça”. Ça te fait sentir très bas, voire mal: c’est comme si tes émotions sont moindres», souligne Mme Roy-Dorval, elle-même atteinte de la maladie.
Même chose pour les hommes.
«Les hommes se font dire souvent que ce n’est pas grave, qu’ils doivent s’arranger avec leurs problèmes, estime M. Gilding. Mais la réalité, c’est que c’est très difficile à gérer. Ils ressentent [aussi] beaucoup d’anxiété, de honte et même de dépression.»
Perdre ses cheveux, c’est donc bien plus qu’avoir un bouton dans le front. Ce n’est pas juste superficiel, ça peut affecter l’estime de soi.
C’est donc pour cette raison que M. Gilding et Mme Roy-Dorval comprennent la colère derrière la gifle de Smith aux Oscars, bien qu’ils condamnent la violence associée au geste.
La blague a laissé un goût très amer chez M. Gilding, également atteint d’alopécie.
«Ça m’a bouleversé, confie-t-il. On riait de moi quand j’étais au secondaire et ça m’a ramené à cette époque d’isolation et de peine.»
L’humoriste québécois Charles Pellerin qui en souffre a tout de même trouvé le moyen d’en rire un peu sur Instagram.
«Will Smith gifle Chris Rock pour une blague sur l’alopécie de sa femme, et il y a des gens qui trouvent ça romantique… Moi, j’aime mieux ma blonde qui plie ma peau de crâne imberbe d’alopécie devant la visite en criant : “CHECKEZ ON DIRAIT DES MINI FESSES“», a-t-il écrit en story lundi matin.
Cultiver l’empathie
Mme Roy-Duval espère que l’alopécie sera plus abordée dans les médias pour empêcher ce genre de (gros) malaise.
«Le fait qu’on en parle plus et que ce soit mieux représenté fait qu’il y aura plus d’ouverture et de connaissance autour de cette maladie», résume-t-elle.
Bien entendu, ça vaut aussi au quotidien. Il faut faire preuve d’empathie et ne pas réduire l’alopécie de nos proches qui en sont atteints à une simple farce, explique M. Gilding.
«Tout le monde gère son alopécie différemment: certains veulent en parler ouvertement et d’autres, pas du tout. La stratégie est de les soutenir et d’avoir une conversation sur leurs limites personnelles», conclut-il.
Pas besoin de violence, juste un peu de bienveillance.