Les jeunes d’aujourd’hui seraient moins sexuellement actif.ve.s que ne l’étaient les précédentes générations au même âge. C’est en tout cas ce que semblent indiquer plusieurs études menées notamment aux États-Unis et en Australie. Des sexologues d’ici tentent donc d’expliquer pourquoi… et émettent quelques nuances!
Les enquêtes du National Youth Risk Behavior Survey menées auprès des 14-18 ans aux États-Unis, ainsi que celles de l’Australia Talks National Survey qui s’adressent aux jeunes australien.ne.s de 18-24 ans font toutes les deux des constats similaires. D’après leurs résultats, la pratique de la sexualité avec contact physique serait en baisse chez les jeunes par rapport aux générations antérieures.
Au Québec, en revanche, il n’existe pas encore de littérature scientifique sur les pratiques sexuelles de la génération Z.
«Comme la génération Z regroupe les jeunes nés entre 1997 et 2012, on parlerait ici d’une tranche d’âge de personnes âgées entre 10 ans et 25 ans. Je ne connais pas de source fondée témoignant des habitudes sexuelles de cette tranche d’âge, comme il serait inévitablement précoce de dresser un portrait générationnel qui inclut… des enfants», indique la sexologue Julie Lemay.
L’enquête la plus récente réalisée à ce sujet dans la province date ainsi déjà de plusieurs années. Il s’agit de l’étude Pixel, qui documentait le vécu sexuel des personnes âgées de 17 à 29 ans dans les années 2010. Ses données, collectées en 2013-2014, concernent des personnes qui sont aujourd’hui âgées de 26 à 38 ans, mais elles témoignaient déjà d’une certaine baisse de l’activité sexuelle.
Changement de mentalité
Pour expliquer cette baisse, les expertes contactées par Métro s’entendent pour dire que les jeunes d’aujourd’hui sont plus éduqué.e.s en termes de sexualité, ce qui fait que les mentalités ont changé et les manières de vivre la sexualité aussi.
«On vit à une époque où, heureusement, on parle de plus en plus de l’importance du plaisir, du consentement enthousiaste. Où on intègre davantage que la fréquence des relations sexuelles ne témoigne ni de la valeur d’une personne ni de la qualité d’une relation, explique Julie Lemay. On déstigmatise de plus en plus la masturbation, particulièrement la masturbation féminine. On parle de plus en plus de self-partnership, donc de ce choix de vivre sans partenaire amoureux et de vivre (ou pas) des relations sexuelles…»
Même son de cloche du côté d’Estelle Cazelais, vice-présidente et directrice du programme éducation de l’organisme Les 3 sex* et sexologue: «Les jeunes connaissent la pluralité des postures qu’ils peuvent avoir face à la sexualité et ça leur permet de naviguer selon leurs termes. Ils se laissent l’espace de vivre une pluralité d’expériences qui peut-être n’incluent pas la sexualité.»
Les jeunes d’aujourd’hui sont effectivement mieux outillés notamment en terme de consentement que ceux d’hier, renchérit la sexologue Véronique Jodoin. Ils et elles risqueront ainsi moins de s’engager dans une relation sexuelle pour faire plaisir à l’autre ou parce que c’est «cool». «On accorde beaucoup plus d’importance au fait de se respecter, d’être à l’écoute de soi», affirme-t-elle.
Un progrès dû à l’éducation sexuelle qui a permis aux jeunes de mieux comprendre les risques liés aux relations sexuelles (ITSS, grossesse non désirée) et d’ouvrir leur esprit à de nouvelles conceptions de la sexualité.
«Les jeunes d’aujourd’hui ont aussi beaucoup plus de connaissances sur le consentement et les impacts que ça peut avoir de poser des gestes reprochables en termes de harcèlement et d’agressions sexuelles», ajoute Estelle Cazelais.
Une sexualité connectée
Toute cette éducation et ces nouvelles connaissances viennent en grande partie d’internet, le monde virtuel prenant une place importante dans la vie des jeunes.
Les «sex educators» abondent d’ailleurs autant sur Instagram que sur TikTok, souligne Estelle Cazelais. Et le web n’est pas qu’un lieu d’acquisition de connaissances pour les jeunes, c’est aussi un lieu propice à l’exploration.
«Les jeunes entament souvent leur première relation amoureuse ou affective par internet», indique Véronique Jodoin. On s’envoie des sextos, des photos, on joue à des jeux de rôles avant de se sentir prêt à des rapports sexuels en personne, explique la sexologue.
Mais dire que les jeunes sont moins sexuellement actifs parce qu’ils vivent plus de rapports virtuellement qu’en vrai serait une erreur selon la sexologue Estelle Cazelais. «La sexualité a changé et ignorer la cybersexualité ou lui accorder moins de valeur, c’est passer à côté du point», croit-elle.
Sans minimiser les dangers des cyberviolences sexuelles et l’importance de prendre ses précautions – «Internet n’est pas un lieu privé», rappelle-t-elle –, l’experte est convaincue qu’il est possible de vivre ce type de sexualité sainement.
Avec tous ces nouveaux paradigmes, les jeunes de la génération Z ont donc accès à un spectre de la sexualité beaucoup plus large que les générations antérieures. Pour comprendre leur rapport à la sexualité, compter le nombre de relations sexuelles, dans leur forme classique, qu’ils et elles ont ne semble donc plus très pertinent.