Les vélos n’ont pas besoin d’hiberner. Avec une préparation réfléchie et le bon état d’esprit, braver les routes hivernales sur deux roues peut s’avérer très satisfaisant. Olivier Hinse, ancien coursier à vélo ainsi que guide de vélo de montagne et de route en Amérique latine, nous livre ses trucs de pro pour se lancer sur les routes cet hiver.
Pourquoi rouler en hiver?
Maintenant que les réseaux blancs – ces sentiers destinés au vélo d’hiver dans certaines villes – s’élargissent, de plus en plus de cyclistes choisissent de délaisser la bagnole.
En plus de vous permettre d’éviter les embouteillages, de réduire votre empreinte carbone, d’augmenter votre fréquence cardiaque et de brûler des calories, enfourcher votre bicyclette pendant la saison froide vous fera découvrir le plaisir de rouler sur des pistes cyclables quasi désertes, donc de vous déplacer à la vitesse qui vous plaît.
Sécurité 101
Pour s’y mettre, vaut mieux débuter en faisant de courtes sorties afin de s’acclimater aux conditions. Par le fait même, vous alimenterez votre enthousiasme pour le vélo hivernal et la neige vous apparaîtra de moins en moins comme un obstacle.
Il faut évidemment penser à adapter à l’hiver «ses tactiques de conduite». Il est souvent impossible de rouler dans l’accotement d’une rue, parfois enneigé, verglacé ou mouillé, encore moins sur les trottoirs, où la neige déblayée et la boue s’accumulent. «Il faut savoir s’imposer et prendre plutôt la voie de droite [qu’empruntent les véhicules], où l’adhérence à la route est meilleure, ainsi que rouler idéalement à la même vitesse que les voitures (au moins 30-40 km/h) si possible», conseille Olivier Hinse. Rouler au milieu de la voie de droite vous rend plus visible et dissuade les automobilistes d’essayer de se faufiler au risque de vous pousser dans le banc de neige. S’ils veulent effectuer un dépassement sur un boulevard double, ils seront donc plus susceptibles de vous contourner en changeant de voie.
Côté technique, Olivier recommande de rouler les genoux et les coudes déverrouillés et d’utiliser ses jambes pour absorber tout mouvement créé sur des crêtes enneigées.
Essayez de garder un œil sur les zones où la neige a fondu. Si par malheur vous roulez sur une surface de glace noire, essayez de la traverser sans freiner et de rester bien droit sans incliner votre vélo.
Le cycliste expert reconnaît que la gestion de l’eau en bouteille est un peu plus complexe en hiver. «Installez une bouteille d’eau isolée dans votre porte-bouteille et remplissez cette bouteille avec une boisson chaude pour qu’elle ne gèle pas sur l’équipement de votre monture. Un sac à dos d’hydratation isolé – à garder collé sur son corps si possible – peut être une option, mais pensez toujours à repousser l’eau dans le tube après avoir bu», recommande Olivier.
Types de vélo
Bon à savoir: il existe des vélos spécifiquement conçus pour l’hiver. Mais, selon Olivier, «quel que soit le vélo que vous possédez, vous pouvez le configurer pour les conditions hivernales. Conduire celui que vous connaissez est effectivement une bonne idée, comme vous êtes habitué à son comportement», affirme Olivier.
«Comme coursier, j’utilisais un vélo basique avec pneus à crampons, à simple vitesse (single speed) et à pignon fixe (fixed gear). Car moins il y a de mécanique incluse, moins il y a de bris possibles. Et comme la gadoue peut se prendre dans le dérailleur plus facilement, il peut devenir difficile de faire ses changements de vitesse», témoigne Olivier.
Un gravel bike ou vélo de route tout-terrain sont aussi de bonnes options pour rouler sur des surfaces glissantes.
De bons pneus et garde-boue
Autre allié de taille pour pédaler dans des conditions hivernales: des pneus plus larges et adhérents. «Changez au moins le pneu avant de votre vélo, comme la fourche est souvent plus large, conseille-t-il. En théorie, lorsque la roue avant possède de la traction, le reste suit. Ou bien installez des pneus avec une bande de roulement plus profonde, à crampons ou cloutés, afin de circuler plus sécuritairement sur la glace, souvent cachée sous la couche de neige.»
Olivier Hinse installe des garde-boue sur ses vélos uniquement pour la saison hivernale. Il choisit les plus longs possibles en avant et en arrière pour se protéger des projectiles glacés qui s’agglutinent aux roues.
Comme les températures froides réduisent la pression d’air des pneus, prenez l’habitude de la vérifier et de l’ajuster avant chaque trajet. «Gonflez-les aussi en deçà de la plage de pression recommandée, afin d’améliorer la traction. Sur surface dure, plus c’est gonflé, plus c’est rapide. En revanche, sur de la neige fraîche ou peu compactée, le pneu doit être assez souple [mou] pour “s’écraser” et fournir une large surface de contact au sol», indique Olivier.
Il est important de mesurer la pression à la température extérieure. Par exemple, un pneu gonflé à 10 psi dans la maison descend à 7 psi à -15 °C. Une bonne pompe et un manomètre à basse pression sont donc indispensables.
Pour s’y retrouver avec la pression
- Moins le poids du vélo et le vôtre sont élevés, moins il faut gonfler.
- Plus la largeur des pneus et des jantes est étroite, plus il faut gonfler.
Fatbike aux pneus de 4 ou 5 pouces
- Pression de départ: poids du corps (en livres) divisé par 25
- Soustrayez 0,5 psi au pneu avant
- Ajoutez 0,5 psi au pneu arrière
Pneus de 27,5 pouces et plus
- Divisez par 15 (au lieu de 25)
- Soustrayez 0,5 psi au pneu avant
- Ajoutez 0,5 psi au pneu arrière
Source : https://fatbikes.ca/
Être vu
Comme le soleil se couche tôt en hiver, Olivier Hinse recommande fortement de se munir d’un système de lumières performant afin d’être visible dans toutes les directions: un feu de sécurité rouge et clignotant (100 lumens) à l’arrière du vélo et un autre à l’arrière du casque; un ou deux phares plus vifs (500 lumens) à installer idéalement sur le guidon, et une lumière à l’avant du casque de vélo (ou une simple lampe frontale).
Vous pourriez aussi porter une veste réfléchissante et ajouter des feux secondaires à votre sac à dos ou vos vêtements, sans qu’ils soient aussi brillants. La plupart des vêtements de vélo ont des garnitures réfléchissantes.
Les piles durent moins longtemps par temps froid, donc apportez des piles de rechange pour les lampes non rechargeables.
Vive le multicouche
Il faut savoir que le froid n’est pas réellement un obstacle… quand on est bien habillé. «Partant du même principe que pour le ski de fond, il ne faut pas s’habiller trop chaudement et plutôt prioriser le système multicouche: coquille respirante en Gore-Tex; chandail à manches longues en laine polaire; survêtement à manches longues en laine mérinos (ou non); tuque mince à porter sous le casque; gants chauds imperméables ou mitaines à trois doigts/un pouce qui facilitent l’accessibilité aux freins et vitesses; paire de collants ou combines, pantalon imperméable; et lunettes polarisées et antibuée ou masque de ski pour protéger vos yeux. Il est en fait essentiel d’isoler les mains et le visage du vent, comme ils sont davantage en contact avec celui-ci et pourraient subir des engelures. Il existe même des mitaines à installer à même le guidon», confirme Olivier.
En cas de froid intense, pensez à porter un masque facial. Certains casques disposent de doublures interchangeables pour ajuster leur chaleur. Il est aussi sage d’avoir avec soi une veste chaude pour les arrêts ainsi que des chauffe-mains (et chauffe-pieds, mais qui fonctionnent moins bien) à glisser à l’intérieur de vos gants ou de vos chaussures, surtout si vous parcourez une longue distance.
Nul besoin d’acheter des vêtements conçus spécifiquement pour le vélo, fait valoir Olivier. En revanche, il ne regrette pas du tout ses chaussettes en Gore-Tex, malgré leur coût élevé. Sinon, traînez une deuxième paire de chaussettes afin de rester au sec, ou des doublures pare-vapeur si vous transpirez abondamment.
Les chaussures à clip sont moins appropriées pour l’hiver, car comme les pieds sont moins mobiles que le reste du corps, il y a un risque de se geler les orteils. «Je porte des souliers à clip d’automne fait de néoprène et une pointure légèrement plus grande, afin de porter un bas chaud et idéalement un bas en Gore-Tex. Parfois, j’ajoutais un couvre-chaussure coupe-vent imperméable en toile pour augmenter la chaleur. En revanche, la glace peut quand même s’entasser dans les clips», témoigne Olivier. Il existe également de bonnes bottes à clip. Sinon, pour vos pédales plates, enfilez vos bottes d’hiver les plus légères.
Autres petits luxes
Considérez investir dans des pneus sans chambre à air, car ils sont moins sensibles aux crevaisons, ainsi que dans des freins à disques hydrauliques et des patins (de freins) synthétiques. Ceux-ci utilisent un conduit et une huile afin de presser le rotor entre les plaquettes, ce qui fait en sorte que les freins «crieront» moins avec le froid.
Entreposage et entretien
Gardez en tête que le sel, l’eau et la gadoue abîment considérablement votre monture. Pensez donc à l’essuyer (surtout les freins et les patins) après chaque sortie et à l’entreposer au bon endroit. Olivier Hinse suggère, lui, de laisser son vélo à l’extérieur pendant l’hiver, comme le choc thermique entre le froid et la chaleur intérieure pourrait endommager ses composantes.
Pensez cependant à le «recouvrir» en le stationnant, par exemple, dans un abri d’auto, un avant-toit de bâtiment, un porche couvert ou un garage, à l’abri de la pluie et de la neige. Vous pouvez également acheter une housse de vélo ou en improviser une à partir d’une bâche ou d’une vieille housse de barbecue.
Si vous devez laisser votre vélo à l’extérieur et qu’il gèle, dégelez les pièces mobiles avant de l’utiliser. Vous pouvez accélérer le processus de décongélation en plaçant votre vélo dans un espace intérieur chaud.
Pour prolonger la durée de vie de la bicyclette, procédez à un entretien plus approfondi en huilant la chaîne et la transmission avec un lubrifiant conçu pour les climats humides et sales.