À table

Les vins du Québec condamnés à l’excellence

Au Québec, on le sait, on fait de bons cidres, de bonnes bières et de bons spiritueux. On fait de bons vins aussi. Mais les gens sont encore (trop) nombreux à l’ignorer.

Que ce soit à cause d’un problème de promotion, d’un manque de volonté politique, d’un préjugé à la couenne dure, la situation demeure: les Québécois ne sont pas particulièrement chauvins envers leurs vins. «Les gens consomment du vin local partout dans le monde, mais pas ici», déplore le président de 
l’Association des vignerons du Québec (AVQ), Yvan Quirion.

Pourtant, ce dernier ne tarit pas d’éloges envers notre petit et jeune vignoble, qui, selon lui, est ni plus ni moins condamné à être parfait. «On est le vignoble qui a, de loin, le plus de concurrence chez lui, explique le président de l’AVQ. On est en compétition avec 15 000 vins étrangers, et la Société des alcools du Québec (SAQ) est reconnue comme le client le plus exigeant du monde sur le plan de la qualité. Notre compétition est parfaite et c’est pour ça qu’on doit être parfait.»

Malgré le vent de locavorisme qui souffle sur le Québec depuis quelques années, il faut être réaliste, le chemin est encore long et parsemé d’obstacles et de préjugés. Il faudra du temps pour que les Québécois adoptent en masse les vins de chez eux, plutôt que ceux de la France ou de la Californie. M. Quirion l’admet d’emblée, il y a un préjugé très fort qui persiste et qui nous fait croire que les vins d’ailleurs sont meilleurs.

«C’est certain que les jeunes vignes du Québec ne peuvent pas donner des résultats comme ceux des vignes d’Europe, plantées il y a longtemps, nuance la sommelière Jessica Harnois. Est-ce que tous nos vins sont bons? La réponse est non, comme partout ailleurs. Il faut les connaître et apprendre à découvrir ce que goûte le Québec.»

Et qu’est-ce que ça goûte, le Québec? «Il y a une acidité bien présente, une fraîcheur, une belle maturité du raisin. On n’a pas tendance à boiser nos vins, on est plus européen dans notre approche. Règle générale, au Québec, on aime la pureté du fruit», décrit la sommelière, qui est de surcroît ambassadrice des vins du Québec.

Longtemps mis au banc des accusés pour expliquer la médiocrité de certains vins, le climat nordique n’est plus un enjeu en 2016. Il y a quelques années, il était difficile de conserver le bourgeon primaire de la vigne, qui ne résiste pas aux températures inférieures à -22°C. Les vignerons produisaient donc toujours à partir du bourgeon secondaire, qui donne un fruit moins sucré et moins mature, explique Yvan Quirion, qui est aussi propriétaire du Domaine St-Jacques depuis 2004. «On a des arrière-saisons où il fait 24°C. Et on a développé des techniques très québécoises et des cépages qui nous permettent de passer à travers les 12 à 20 heures trop froides l’hiver, ce qui fait en sorte que maintenant, il n’y a plus d’enjeu d’hiver.»

La qualité des vins du Québec s’améliore, donc. Certains vins gagnent même des prix à l’échelle internationale, et ça commence tranquillement à se refléter dans les chiffres. Selon les données de la SAQ, les ventes liées aux vins québécois sont passées de 130 000$ en 2002 à plus de 8,1M$  en 2015-2016. «Il y a eu une grande conscientisation quant à l’importance de boire des produits locaux, constate Jessica Harnois. Ce n’est pas vrai qu’on ne fait pas de bons vins au Québec, on fait plein de bonnes choses.» Dès l’implantation des sections Origine Québec dans des succursales de la SAQ en février 2014, les ventes ont augmenté de 76%. Le déploiement de cette section, qui regroupe tous les vins québécois, se poursuivra en 2016-2017 dans 50 succursales supplémentaires. La province en compte désormais 320.

Ne reste plus qu’à continuer à diffuser la bonne nouvelle. Chose qui a été négligée par l’industrie, déplore le vigneron. «Il y a une ignorance du vignoble québécois et c’est la faute des vignerons, nous sommes les premiers coupables, dit M. Quirion. C’est notre job de parler de tout ce qui est positif dans le vignoble québécois.»

«J’ai des grandes ambitions de qualité pour le Québec. Je crois qu’on est capable de faire ce qui se fait 
de mieux au Canada.» –Yvan Quirion, président de l’Association des vignerons du Québec

Un climat politique qui se réchauffe
Bien qu’ils doivent mieux 
présenter leurs vins, les vignerons ne sont pas les seuls responsables de leur situation. L’État doit faire sa part pour assurer un avenir prospère aux artisans de la vigne, croit le président de l’AVQ. En mars dernier, au cours d’une conférence au Musée McCord, ce dernier dénonçait en effet un climat politique défavorable à l’industrie vinicole, une industrie active dans les trois segments de l’économie (primaire, secondaire et tertiaire).

Mais le climat semble se réchauffer avec quelques annonces faites ces derniers mois par le ministre des Finances Carlos Leitão, dont le projet de loi 88 sur le développement de l’industrie des boissons alcooliques artisanales. La loi devrait être adoptée avant la fin de l’année, ce qui permettra notamment aux producteurs de vendre directement leurs produits dans les épiceries.

Un autre dossier est entre les mains du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, Pierre Paradis: celui de l’Indication géographique protégée (IGP). L’Association des vignerons mise beaucoup sur cette appellation réservée pour se démarquer sur la scène canadienne et internationale, mais aussi pour mousser la notoriété de nos vins ici, au Québec. «Ça nous ferait jouer dans la ligue des grands», croit fermement M. Quirion, qui espère que le ministre leur accordera cette appellation à temps pour le millésime 2017.

«Tout est en train de se mettre en place, conclut celui qui porte tous ces dossiers à bout de bras. Certains disent que c’est 25 ans trop tard, mais si on a attendu toutes ces années pour terminer avec cette structure-là, ça aura valu la paire, parce qu’on aura le meilleur plan de développement de toutes les provinces canadiennes.»

Le vin du Québec en chiffres

Les vins du Québec en fête ce week-end

Une des manières de découvrir les vins du Québec, c’est d’aller directement à la 
rencontre des vignerons à l’occasion de la Fête des vins du Québec, qui se tiendra du 28 au 30 octobre au Complexe Desjardins de Montréal. Une trentaine d’entre eux seront sur place pour faire goûter leur millésime 2015, qui, selon Yvan Quirion, «a été extraordinaire».

Le président des vignerons du Québec souhaite aussi que les Québécois aillent constater sur place le dynamisme du vignoble d’ici. «Il y a une jeunesse qui embarque dans l’industrie qui est extrêmement dynamique, s’enthousiame-t-il. Je pense vraiment que, dans 20 ans, on sera le meilleur vignoble canadien par notre dynamisme, par la qualité de nos vins et du terroir. C’est commencé et ça va se sentir à la Fête des vins.»

«Ce que j’aime à la Fête des vins du Québec, c’est que tous les grands producteurs seront ensemble.» –Jessica Harnois, sommelière et 
ambassadrice des vins du Québec. Elle déplore toutefois l’absence de certains bons vignobles, qui aideraient encore plus à faire apprécier les vins du Québec aux Québécois.

Infos
Une trentaine de vignerons seront présents ce week-end pour la Fête des vins du Québec au Complexe Desjardins.
Vendredi de 16h à 21h
Samedi de 13h à 20h
Dimanche de 11h à 17h
fetedesvins.ca

À goûter

La sommelière Jessica Harnois propose un vin rouge et un vin blanc du Québec à essayer.


Côté blanc: Domaine St-Jacques Pinot gris 2015

J’adore le blanc du Domaine St-Jacques. Essayez le nouveau pinot gris, un vin tout en finesse qui se marie autant avec des sushis qu’à l’apéro avec des bouchées variées. Un superbe passe-partout.

Vin blanc, 750 ml
Code SAQ: 12 981 301
Prix: 22,75$

 


Côté rouge: Coteau Rougemont Versant rouge 2015

En rouge, le Versant du Coteau Rougemont est un vin frais, abordable, qui goûte le Québec! Notes de fruits rouges (fraises, canneberges), facile d’approche, délicieux avec le porc d’ici.

Vin rouge, 750 ml
Code SAQ: 12 204 086
Prix: 15,70$

Articles récents du même sujet

Exit mobile version