Cebu, les Philippines. Bruno Blanchet retrouve son ami Big Pete, le colosse-anglais-ornithologue-amateur- et-hooligan rencontré pour la première fois à Madagascar. C’est sur cette rencontre que débute le tome 4 des aventures du globe-trotter, un choix d’entrée en matière qui donne le ton à toutes les aventures du recueil.
Publiés d’abord sous forme de chroniques dans La Presse, les récits de Bruno Blanchet nous transportent cette fois du Liban à l’Australie, en passant par le Maroc et le Pérou.
Reconnu pour ses périples éclatés et rocambolesques amorcés en 2004, le reporter voyage avant tout pour les rencontres, plus que pour les destinations. Celui qui a récemment renoué avec les textes de ses trois dernières années comme chroniqueur, enfin publiés dans L’ultime frousse autour du monde, s’en est rendu compte assez tôt dans ses aventures, confie-t-il à Métro entre deux bouchées d’un gros bol de soupe won-ton, à laquelle il a ajouté tout le piment disponible. «Ooooh, c’est bon! J’arrive de Thaïlande, c’est jamais trop piquant!»
«J’étais aux îles Fidji. J’ai commencé par faire le tour des îles de l’archipel Yasawa. Et là, j’ai rencontré des Fidjiens qui m’ont semblé fort sympathiques. J’ai eu envie de poursuivre mon exploration des îles, mais en allant un peu plus loin; parce que Yasawa, c’est là où tout le monde va. Je me suis ramassé dans un village sur une île où il n’y a pas de route; on y a juste accès par bateau. Tout de suite, ç’a été le coup de cœur, non pas pour faire un voyage carte postale, mais pour manger avec les gens, boire avec eux; boire le kava.» Et pour chanter ce qu’ils chantent quand des visiteurs arrivent, poursuit-il, en nous l’interprétant, cette chanson. «Ça, c’était ma tâche. Bula malé a qué vi té talé a… [transcription approximative des sons de la pièce]. J’ai appris à vivre au rythme fidjien. Ça a donné le ton au voyage.»
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Un voyage qui aura duré 10 ans, et qui dure encore. «Il y a bien des affaires qui sont en processus d’écriture, je n’arrête jamais d’écrire. J’ai toujours une idée. Il y a un dessin animé, un film, un roman, plein d’affaires en même temps. Je lance plein de lignes à l’eau, en espérant que ça soit lié au voyage.» Bruno Blanchet, depuis qu’il a remis sa clé à son propriétaire pour partir à l’aventure, n’a pas de maison, pas de voiture, pas d’attaches en termes physiques. Il voyage avec un tout petit sac, qu’un écolier d’ici trouverait trop étroit. «J’ai des trucs à Bangkok un peu, mais je peux aller où je veux demain.»
Cette Ultime frousse laisse paraître un Bruno Blanchet plus sage, toujours drôle, mais sensible. «Je suis peut-être plus responsable qu’avant, parce que pendant que je faisais ces chroniques, je faisais aussi de la télé. Il fallait donc que je m’assure de rester en vie. Sauf qu’il y a quand même de belles folies.» Il pense tout de suite à sa traversée du Liban à pied, qu’on découvre dans ce tome. Il se rappelle avoir parcouru le Soudan en train; il évoque aussi son passage de l’Europe à l’Afrique par voie terrestre. «Ça semble peut-être plus sage, mais il y a des destinations dans ce livre-là où on ne peut plus aller maintenant. Des destinations assez osées, comme Tawi-Tawi aux Philippines. Sur l’île de Jolo, qui est juste à côté, c’est comme le siège social d’Al-Quaïda dans le coin.»
Il affirme qu’aucune situation, aucun moyen de transport farfelu ne lui a fait peur au point de le faire reculer. «Souvent, [tu le fais] parce que t’as pas le choix.»
«Aux Philippines, quand le jeepney arrive, il a les pneus lisses comme une coquille d’œuf. C’est des chemins de boue dans la montagne avec des falaises. T’as pas le choix d’embarquer, sinon tu restes au bord du chemin, fait-il valoir. Tu te places sur le toit et tu t’installes de façon à ce que s’il devait y avoir un accident, tu puisses sauter et t’accrocher à un arbre. C’est même pas une farce.»
Et comment concilie-t-il la nécessité d’être parfois méfiant envers les gens qu’il rencontre avec son désir évident d’ouverture à l’autre, qui n’a presque pas de limite? «Tu y vas avec ton instinct. Mais ce n’est pas une science exacte. Il arrive que tu te trompes. Dans mon cas, quand je fais des erreurs, ça fait généralement de bonnes histoires. Comme en Turquie. Cette fois-là m’a permis de découvrir la générosité des Turcs.» Après s’être fait dépouiller de son sac et de ses cartes à Istanbul par «le Turc le plus gentil du monde» qui l’avait invité à boire, Bruno Blanchet a pu profiter d’un beau geste du propriétaire de l’hôtel où il se trouvait, qui lui a permis de rester en attendant qu’il règle la situation. «Il m’a dit : “Pas de problème, tu me paieras quand tu auras de l’argent.” Il n’était pas du tout inquiet.»
Alors que le mot ne cesse de circuler à propos de son snack-bar de Bangkok où il sert de la poutine avec sa conjointe thaïlandaise, Bruno Blanchet n’hésite pas à y inviter le plus de gens possible. «Venez chez nous! Venez découvrir la Thaïlande, les Thaïlandais et les Thaïlandaises! C’est un peuple vraiment too much. Si je me suis posé là pour quelques années, c’est qu’il doit bien y avoir quelque chose! Mais il faut sortir des centres touristiques, c’est obligatoire.» Comme quoi ses aventures humaines ne sont pas près de s’épuiser…
Un, deux, trois, go! La Terre!
Bien qu’il se garde de donner des conseils – «Mon premier conseil, c’est “N’écoutez les conseils de personne”. Faites vos propres erreurs et apprenez» – Bruno Blanchet assure à Métro qu’il y a des trucs pour voyager en multipliant les contacts avec les gens.
«Il faut faire l’effort d’apprendre un peu le langage et les formules de politesse. Comment dire “merci”, “bonjour”, “je m’appelle Untel”, “je viens du Canada”, “quel est ton nom?”, “combien ça coûte?”, “c’était délicieux”. Merci est ben ben ben important», raconte-t-il en récitant de mémoire les “merci”en une dizaine de langues.
Pour être proche des gens, ou pour expérimenter un voyage où rien n’est tracé d’avance et où les possibilités sont sans fin, d’autres façons de faire sont à considérer.
– Truc numéro 2. «À un moment donné, il faut arrêter d’être blanc et d’être nord-américain. Il faut prendre le rythme. Absorber. Après, tu en fais ce que tu veux».
– Truc numéro 3. «Il faut arrêter de se cacher dernière sa caméra. “Comment ça se fait que j’ai pris en photo la madame qui faisait de la soupe et que j’ai pas goûté à sa soupe, que je ne lui ai pas parlé?”» Par ailleurs, prendre des photos des gens avec qui on a partagé certains moments est important. «Des fois, je regrette de ne pas avoir pris certaines photos de certaines personnes que ça me ferait chaud au cœur de revoir.»
L’ultime frousse autour du monde, de Bruno Blanchet
Les Éditions La Presse
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