La vie des astronautes qui sont en orbite est spartiate. Les agences spatiales et les entreprises privées s’appliquent cependant à concevoir des articles d’usage courant afin de leur offrir davantage de confort. Elles sont aussi stimulées par la perspective d’une explosion du tourisme spatial.
Dans un laboratoire, Kristine Ferrone effectue des tests sur des plantes, des iPod, des tapis d’exercice, des sofas. Dans quel but? Afin de concevoir un milieu de vie agréable. Mme Ferrone, qui est étudiante au doctorat et designer spatiale, a en effet pour tâche de rendre les voyages dans l’espace moins rigoureux. «Quand nous travaillons avec des plantes, nous considérons leur valeur nutritive, mais aussi leur dimension esthétique, explique-t-elle. Être entouré de plantes est apaisant.»
Mme Ferrone fait partie de l’équipe d’architecture spatiale du Sasakawa International Center for Space Architecture de l’Université de Houston, le centre de recherche le plus avancé de la planète en matière de conception d’objets courants destinés à un usage spatial. «L’espace doit être un endroit confortable où travailler et un lieu aussi agréable que possible, déclare Rod Jones, employé de la NASA chargé du transport de marchandises vers la Station spatiale internationale (SSI). De nombreux défis se posent quand on est en microgravité. Par exemple, l’usage d’une souris d’ordinateur est impossible en orbite. Mais ça offre aussi certains avantages, car toutes les surfaces sont exploitables. On peut ainsi placer un bureau au plafond.»
Le design spatial s’est développé au même rythme que les voyages dans l’espace, lesquels ont beaucoup évolué, puisqu’il est aujourd’hui possible d’effectuer des séjours prolongés à bord de la SSI. «Le plus petit détail peut faciliter la vie des astronautes, ajoute M. Jones. Par exemple, si vous devez passer six mois dans l’espace, disposer d’un éclairage réglable vous permettant de manger en tamisant la lumière fait une grande différence.» Et si on décide un jour d’explorer Mars, les astronautes auront impérativement besoin de confort, car le voyage vers la planète rouge durera sept mois.
Vision à long terme
Le tourisme spatial est une autre raison expliquant l’envoi en orbite de plantes et de sofas. «Aujourd’hui, la plupart des touristes de l’espace ne passent que 40 minutes là-haut, mais, quand ils y resteront plus longtemps, ils auront besoin de plus d’articles d’usage courant, note Chris Welch, professeur d’aéronautique à l’Université de Kingston à Londres. L’envoi d’un kilo de marchandise en orbite basse coûte actuellement 10 000 $. Avec le temps, les coûts baisseront, et envoyer des objets dans l’espace deviendra plus rentable.»
Les designers spatiaux ont en général une expérience d’ingénieur, d’architecte ou de designer industriel, mais certains, comme Mme Ferrone, une ancienne contrôleuse de vol de la NASA, viennent d’agences spatiales. Ajoutons à cela que l’Université de Houston propose un diplôme en architecture spatiale.
Le Pr Welch conçoit des parfums pour l’espace, tandis que ses collègues travaillent à divers objets de la vie courante, des jeux de société à la lessive. Une compagnie japonaise a même conçu une robe de mariée spatiale! Cependant, tant que le coût des voyages spatiaux demeurera élevé, pour ne pas dire exorbitant, les designers devront faire preuve d’imagination pour concevoir des produits sans les tester directement en orbite.
Mme Ferrone a pour sa part réalisé récemment des expériences à Devon Island, dans l’Arctique canadien, car cette île est l’endroit sur Terre dont les conditions se rapprochent le plus de celles qui prévalent sur Mars. C’est d’ailleurs là qu’elle a découvert sa grande passion. «La nourriture des astronautes n’est pas très bonne, explique-t-elle. Il serait intéressant de propoer d’autres façons de préparer des plats qui seraient bons et qui se conserveraient longtemps dans l’espace. Rien ne remonte le moral comme un bon plat. À cet égard, j’aimerais beaucoup fabriquer une machine à pain pour l’espace.»
Aller dans l’espace comme en Floride
Chris Welch, professeur d’aéronautique à l’Université de Kingston à Londres, parle à Métro du design spatial.
Pourquoi le design spatial connaît-il un tel essor?
L’espace intéresse plus les gens depuis que le tourisme spatial existe. On prévoit aussi que les missions des astronautes seront beaucoup plus longues à l’avenir. Je tiens à préciser qu’il y a une différence entre les objets d’usage courant que nous concevons et certains articles excentriques, comme les robes de mariée.
Le tourisme spatial a-t-il modifié la nature des voyages spatiaux?
Je dirais qu’il les a démocratisés. Vous n’avez plus besoin de travailler pour une agence spatiale ou l’armée pour aller dans l’espace… il vous suffit d’être millionnaire. Comme les prix baisseront, on finira par aller dans l’espace comme on va en Floride.
Quand l’espace offrira-t-il le confort dont on dispose sur Terre?
Nous sommes encore à un stade précoce de cette grande aventure. De nombreux objets n’existent que sur papier, car nous n’avons pas les moyens de les tester directement en orbite.