La gastronomie russe? Ce mot n’existe pas dans la langue russe traditionnelle. Il est traduit par gastronomia. Mot importé. Concept importé.
Il n’y a même pas de mets de luxe, mis à part le caviar. Alors, commençons par le caviar. Il en existe différentes catégories : le noir et le gris (caviar de béluga, d’osciètre et de sévruga – esturgeons de la Volga et de la mer Caspienne), qui sont les plus chers. Le rouge (œufs de saumon) est beaucoup plus populaire, même si le prix des plus fins reste élevé.
Là s’arrête le luxe et commence la vraie cuisine russe. Comme on l’écrit souvent, en Russie, on mange gras et copieux : la quantité avant la qualité, l’aspect nutritif avant le goût.
La cuisine russe? Je suis tombé dans la marmite à ma naissance. Parents, cousins, amis, tous étaient d’origine russe. En Afrique où je suis né, en Belgique et en France où j’ai grandi. Partout le plaisir de la tradition. Les zakouski, les soupes, les pelmini sont mes «madeleines».
Lors de mes multiples voyages en Russie, j’ai eu le bonheur de goûter à l’hospitalité légendaire du peuple russe. Tables couvertes de zakouski, de petits blini (crêpes) à la confiture maison dans des banquets de mariage ou des réceptions funéraires : partout la même impression de goût originel, nature, sans complexe.
Alors, si vous le voulez bien, imaginons un repas pantagruélique, un immense banquet où serait proposée une grande partie de ce que l’on appelle la «cuisine russe».
Le matin, vous avez un petit déjeuner «léger» : du yaourt, des crêpes au poisson fumé, ou au fromage blanc, et un peu de saucisson et de jambon. Du pain blanc ou gris. Le tout arrosé d’un thé noir bien sucré. De quoi tenir (presque…) une journée.
Vers 16 h, vous avez rapidement déjeuné d’un business lunch comme on dit là-bas. Et vous voilà à cette soirée, convié par des amis d’amis de connaissances qui vous ont assuré que vous êtes le bienvenu…
Commençons donc par les entrées, les zakouski. Disposés dans une multitude de petits plats, de petites assiettes, de grands saladiers, des esprots fumés, des carrés de hareng salé (avec ou sans crème) ou fumé, des pirojki (pâtés à base de pâte levée) au chou, à la viande, au foie de volaille, de grosses tranches de saumon fumé, des radis et, bien sûr, des cornichons russes aigres-doux.
Quelques raviers de caviar rouge, de caviar d’aubergine ou de courgette, du chou mariné et les inévitables cèpes marinés. Quelques bouteilles de vin et des cruchons de vodka glacée servie dans des petits verres font monter la température…
Dans de grandes soupières fument différentes soupes. Au premier plan, la reine des soupes : le bortsch. Soupe à base de betterave, de viande, de légumes. Une saucière avec de la crème fraîche épaisse et aigre l’accompagne.
Ensuite une oukha, traditionnelle soupe de poisson. Un délicat fumet s’échappe d’une soupière blanche. Vous soulevez le couvercle, et vous apparaît une magnifique solianka, à base de saucisses, de jambon, de bœuf ou de poulet émincé, d’olives, de cornichons et de citron. Un régal…
Vous en avez fini avec le pervoe, c’est-à-dire «le premier». J’espère qu’il vous reste de la place pour le vtoroe, «le deuxième».
Quelques pelmini, sortes de raviolis à la viande cuits au court-bouillon recouverts de crème fraîche, pour ouvrir le bal. Ensuite, deux ou trois kotlety (croquettes de viande) avant de passer à d’étranges feuilles de chou farcies à la viande hachée de bœuf, à l’oignon poilé et au riz, le tout assaisonné d’une sauce à base de crème fraîche et de tomates. Ce mets, appelé golubtsy, est particulièrement apprécié en hiver. Et enfin, un plat de kotkiéti pa kievski (côtelettes à la Kiev), blancs de poulet au beurre.
Mais ne perdons pas de temps. Avant les desserts, il vous faut goûter au fameux bœuf Stroganov. Quelques pommes de terre, ou de la kasha de sarrasin sont les accompagnements idéaux pour ces préparations.
Çà et là, des carafes de boissons non alcoolisées comme le kompot, jus de fruits bien sucré, de mors (jus aux fruits rouges), ou encore de kvas (boisson fermentée à base de levure, de pain noir de seigle et de sucre, très rafraîchissante, faiblement pétillante et faiblement alcoolisée).
Quelques pirogui (gâteaux), des vartushki (petits gâteaux au fromage), des blini (crêpes) à la confiture et des fruits ornent l’extrémité droite de la table. Que de chemin parcouru depuis les zakouski!
Encore un petit verre de vodka? Non merci. Sans façon… Par contre, un verre de thé, avec plaisir. Le thé russe. Une institution. Noir et parfumé. Brûlant. La théière est régulièrement alimentée en eau bouillante versée du samovar. Un peu de sucre ou, mieux, une cuillère de confiture pour adoucir la boisson.