En voyage, j’ai beaucoup appris.
À Londres, du haut de mes 18 ans, j’ai appris l’ouverture aux autres, la beauté de l’excentricité et de la différence, l’anglais british et le vrai sens du mot amitié.
À New York, j’ai appris à courir après le temps, à dormir trop peu et à garder les yeux constamment ouverts pour tout voir et surtout, ne rien manquer.
À Édimbourg, on m’a enseigné à déguster le whisky, à apprécier le grand air, la verdure et à presque croire à ce curieux Monstre du Loch Ness.
À Mindo, au coeur de la jungle de l’Équateur, j’ai appris qu’on ne visite surtout pas cette partie du monde chaussée de simples sandales (!), que les médicaments contre la malaria font peur la nuit et qu’une jolie cascade au bout d’une marche folle fait tout à coup oublier tous les souffles courts du monde.
À Bruxelles, j’ai appris qu’on ne dit pas soixante-dix ni quatre-vingt-dix mais plutôt septante et nonante, tout en y frissonnant autant qu’au Québec sous les lumières multicolores d’un superbe marché de Noël.
À Madrid, on m’a dit qu’il fallait manger vers onze heures le soir, sortir vers deux heures du matin et tout simplement oublier les matinées espagnoles.
À Fort-de-France, j’ai été initiée au mouvement de la négritude de la bouche même du plus grand des poètes créoles.
Dans la vallée de Coachella, en Californie, j’ai appris à supporter une chaleur insupportable, à ne pas être (trop) jalouse des Californiennes et à monter une tente au milieu du désert.
À Morelia, au Mexique, j’ai appris à avoir l’air d’un petit ange au coeur de la plus belle des églises dorées. J’ai aussi appris que certains jeunes accolent, sur les murs de leurs chambres à coucher, des affiches de Jean-Paul II à celles de rappeurs peu recommandables bien connus.
À Medellin, en Colombie, j’ai appris qu’on pouvait reconstruire une ville, un pays.
À Rome, j’ai appris à manger sans compter les calories, à acheter des vêtements sans avoir pu les essayer avant et à constituer mes pizzas d’aliments improbables et excentriques.
À San Francisco, j’ai dû apprendre à vivre avec cette impression irréfutable que cette ville était faite pour moi, à mettre de côté ce désir de déménager là sur-le-champ, et à tout dévorer de ce qui pouvait l’être avant de la quitter, tristement, beaucoup, mais beaucoup trop tôt.
À Joao Pessoa, au Brésil, j’ai appris à continuer à vivre malgré l’injustice et la pauvreté tirées au sort, à profiter des rires d’enfants et à oublier les petits pieds nus qui foulaient des sols de terre avariée…
Sur le chemin de Compostelle, quelque part sur cette grande route de France, il me semble avoir tout appris de la vie, trop appris pour un seul et même voyage, pour une seule et même vie.
Eux aussi ont follement appris et tout aussi follement voyagé: