Habitation et immobilier

Iels ont quitté leur job pour devenir courtier.ère.s 

Les courtiers immobiliers Milena Todaro, Frenchfield Dorsainvil et Philip Demers

Les courtiers immobiliers Milena Todaro, Frenchfield Dorsainvil et Philip Demers

La pandémie aura vraisemblablement convaincu bon nombre de gens de se tourner vers une carrière en courtage immobilier. Un changement qui se révèle profitable, à condition d’avoir les épaules assez solides pour se rendre à sa première vente.  

L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) confirme que «l’intérêt pour adhérer à la profession de courtier immobilier a connu une hausse» au point où des établissements où le métier est enseigné ont indiqué avoir dû ajouter des groupes pour répondre à la demande.   

Au moment d’écrire ces lignes, on comptait 16 146 courtier.ère.s immobilie.ère.s détenant un permis d’exercice valide au Québec, soit 1374 de plus qu’en 2020. Un bond important considérant que l’augmentation n’était que de quelques dizaines les années précédentes.   

Parmi ce millier de nouveaux visages, on compte Milena Todaro, une ancienne patineuse de compétition qui travaillait comme entraîneuse et chorégraphe quand la COVID-19 a frappé. Alors que les arénas étaient fermés, elle a profité de cette pause forcée pour suivre un cours de courtage immobilier.

Son histoire résonne avec celle de Philip Demers, qui était propriétaire du restaurant Le Saloon depuis une vingtaine d’années. Juste avant le début de la pandémie, Philip avait décidé de vendre le bistro, ce qu’il a finalement fait l’automne dernier quand il a officiellement commencé à travailler comme courtier immobilier. «C’était quand même un gros move de retourner à l’école dans la quarantaine. La COVID m’a donné un petit coup de pied dans le cul pour vraiment faire le changement de carrière!»

Philip Demers / Photo : Gracieuseté

Les choses ont été un peu différentes pour Frenchfield Dorsainvil, qui avait fait son cours de courtage en 2018 alors qu’il achetait lui-même sa première propriété et qu’il voulait tout savoir du métier pour être bien certain de ne pas se faire berner. Ce n’est qu’en janvier 2020 qu’il a décidé de quitter son emploi d’urbaniste à la Ville de Montréal pour se consacrer à l’immobilier… et la COVID-19 est arrivée quelques semaines plus tard. «Les six premiers mois de la pandémie, il fallait travailler vraiment fort et on n’avait aucune vente, admet-il. Finalement, à force de mettre la main à la pâte, j’ai pu avoir une très belle année quand même.»  

Ces premiers mois difficiles, tous.tes les courtier.ère.s immobilier.ère.s les traversent en commençant dans le métier, indépendamment de la pandémie. «J’ai un beau réseau, j’ai confiance en ce que je fais, je travaille avec plein de clients et je sais que ça va débloquer et bien aller, explique Philip Demers. Mais ça fait six mois que je travaille et je n’ai pas eu une rentrée d’argent, alors que j’ai investi au moins 10 000 $ en cours, en permis, en association… il faut avoir les reins solides.»  

Milena Todaro a fait une première vente très rapidement, à peine quatre jours après s’être lancée comme courtière immobilière, mais elle avoue que ses débuts ont été tout de même «stressants». «Entre la transaction et le moment où l’argent s’est déposé dans mon compte, ça a pris quatre mois. Ça te prend de l’argent de côté, parce que tu payes tes cours, ton permis, tes frais d’adhésion, des frais mensuels, des frais à ton agence… Il y a énormément de dépenses, en plus de l’imprévisibilité. C’est beaucoup de travail, mais après tout ça, le changement en vaut la peine.» 

Pour des courtier.ère.s immobilier.ère.s déjà bien établi.e.s, ce sont les premiers mois de la pandémie qui n’ont pas été évidents. Brigitte Le Pailleur (à gauche) est courtière depuis 35 ans, dont une bonne quinzaine d’années à son adresse du boulevard Saint-Joseph. «Je ne peux pas dire que ça a été une période facile. J’étais au bureau et il n’y avait plus personne. Les clients étaient frileux; il y en a beaucoup qui ont décidé de mettre leur projet sur pause», raconte-t-elle en précisant que 2020 a tout de même été «une bonne année» pour son entreprise, tandis que 2021 a été «la folie».   

Yanick E. Sarrazin, son équipe et leur mascotte – Bibi, un lévrier bien connu par leur clientèle – ont dû s’adapter au télétravail, mais la mise en place de mesures sanitaires n’a pas été un trop gros casse-tête: ils utilisaient déjà un portail virtuel et des signatures électroniques, misant déjà sur les outils technologiques et même des visites virtuelles pour la clientèle venant de l’étranger.   

C’est d’un bon œil que Yanick (sur la photo de droite) voit l’arrivée de nouvelles têtes dans son domaine. «Je trouve que les nouveaux courtiers sont beaucoup mieux formés. Il y a une éthique de travail qui est établie dès le départ, surtout en comparant aux anciens agents qui n’avaient pas de formation et étaient axés plus sur la vente que sur les règles», explique-t-il avant d’ajouter qu’il préfère de loin un marché ouvert à une «dictature» de courtage où seulement quelques individus contrôlent un secteur.

Cependant, Yanick E. Sarrazin souligne que «c’est un métier difficile» et que, forcément, «ce ne sont pas tous ces courtiers qui vont rester».

Une réflexion que partage Brigitte Le Pailleur: «Faire de l’immobilier, ça ne va pas à tout le monde et ça demande beaucoup de travail. On fait miroiter des beaux chiffres, mais en réalité, c’est autre chose. Il y en a qui vont rester, mais la plupart, non.»  

Philip, Milena et Frenchfield ont bien l’intention d’être là pour rester. Les courtier.ère.s avec plus d’expérience ne les voient pas comme une menace; au contraire, ils sont bien accueillis dans ce milieu où compétition côtoie collaboration. Mais peut-être ont-ils un atout: avec le passage d’un marché d’acheteur.euse.s à un marché de vendeur.euse.s, ils ont appris leur métier avec cette nouvelle réalité, tandis que les autres ont dû s’y adapter.   


Quel est votre meilleur truc de vente?  

Yanick E. Sarrazin: Ma force, c’est de bien représenter les gens, de négocier en leur nom et d’avoir de l’écoute. Je vois le courtage immobilier comme le fait de répondre à un besoin des gens, donc ça commence par avoir de l’empathie, comprendre ce qu’ils veulent et voir comment je peux les aider à atteindre leurs objectifs. Mais de la vente, je déteste ça! La preuve, on ne fait pas de sollicitation.   

Frenchfield Dorsainvil: Je suis une personne très transparente. Si je ne crois pas à la vente de la maison ou au prix qu’on me dit, je vais le dire au client. Je pense que, quand je vais chez les gens, ils voient rapidement que je suis honnête.   

Milena Todaro: Je ne vais jamais convaincre quelqu’un d’acheter une propriété. C’est toujours mon client qui va décider. Moi, je suis celle qui va dire les plus et les moins. Je vais divulguer toutes les informations qui sont disponibles pour que le client prenne une décision éclairée. J’essaie aussi d’établir quel type de personnalité a le client pour m’adapter et bien communiquer avec celui-ci.   

Pourquoi devrait-on vous engager plus qu’un.e autre?  

Y.E.S.: Pour notre authenticité, notre engagement. On croit qu’une belle transaction, c’est une vente où l’acheteur et le vendeur sont satisfaits. On ne fait pas de double représentation, parce que ça nous met en conflit d’intérêts.   

F.D.: C’est vraiment une question de feeling. Si j’arrive devant une personne et qu’on connecte ensemble, elle est mieux de m’engager qu’un autre. Ce qui est primordial, c’est cette connexion, parce qu’une fois qu’on l’a, on sait que l’autre va vraiment travailler pour nous. J’en ai perdu des clients en les invitant à magasiner leur courtier, mais ça ne me dérange pas, parce que j’en ai aussi gagné comme ça.    

M.T.: C’est tellement contre ma nature de répondre à quelque chose comme ça! Je dirais de travailler avec le courtier avec lequel ça clique, avec lequel on se sent le plus à l’aise. Moi, je suis authentique, à l’écoute, attachante, dynamique et j’aime me rendre à mon objectif. Les gens qui vont cliquer avec moi, ce sont les clients que je veux. Si on me dit qu’on magasine le courtier, c’est parfait pour moi.  

Quel genre de client.e.s aimez-vous le moins?  

Y.E.S.: Le vendeur qui demande combien je prends en commission comme première question. Je me dis qu’il y a quelque chose qu’il n’a pas compris! Parce que ce qui est important, c’est ce qui reste dans ses poches. Il peut bien payer une commission plus basse, mais si la propriété reste sur le marché plus longtemps parce que la publicité est bâclée et qu’un seul acheteur veut l’avoir, ce sont des économies de bout de chandelle. Je préfère travailler avec des gens qui comprennent notre valeur.   

F.D.: Je n’aime pas les clients qui sont méfiants envers les courtiers, parce qu’ils sont sur la défensive sans avoir écouté ce que j’ai à dire, alors que je pense que j’ai quelque chose d’intéressant pour eux. Je crois que, dans le passé, il y avait une mauvaise image des agents immobiliers, sauf que moi, ce n’est pas comme ça que je suis!   

M.T.: Quelqu’un qui est malhonnête, par exemple en disant qu’il a fait sa préapprobation bancaire, mais qui ne l’a pas faite. Ou quelqu’un qui va travailler avec deux courtiers en même temps sans le dire. Ou juste quelqu’un qui est négatif, parce que le marché est difficile en ce moment et il faut garder une attitude positive. Moi, j’aime le monde gentil!

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