Élémo, de son vrai nom Marc-Olivier Jean, est un tisserand des mots. Issu de parents haïtiens, il est né à Montréal et vit à Ahuntsic. Il pratique le slam et il est connu pour avoir prêté sa voix et ses textes à des campagnes de Centraide. Il s’exprime parfois sur ce qui touche la communauté noire. Pour le Mois de l’histoire des noirs, il prend la parole pour dire dans ses mots qu’est-ce qu’une couleur de peau.
D’où vous vient votre inspiration?
En fait, tout part d’une émotion par rapport à un événement ou une image. C’est ce moteur-là qui va m’inspirer pour écrire. Les mots vont venir plus facilement. Cela peut-être une situation tragique, très difficile, comme cela peut être un événement heureux.
Justement dans le tragique, vous avez écrit un texte sur George Floyd. Quel genre d’émotion cet événement a-t-il suscité en vous ?
J’ai ressenti beaucoup de choses.
C’est pas normal ces outrages.
Et qu’à cause de ça on verse des larmes de tristesse ou de rage.
Alors arrêtons de mettre tout dans des cases ou d’être dans un camp.
Le seul camp c’est l’humanité.
J’veux plus voir ces séquences.
J’veux voir d’la compassion dans c’camp.
C’est quand qu’tout ça va changer?
[NDLR: cet extrait du texte a été interprété en entrevue par Élémo]
Donc c’est un peu un cri à l’égalité, car c’est ce que je souhaite. Je trouve cela décevant. Basé sur une couleur de peau, il y a du profilage racial et une mort. C’est tragique. C’est très difficile à voir une vidéo comme cela. Et puis si ce n’était pas filmé, on n’aurait jamais su véritablement ce qui s’est passé. Je me dis, cela a dû arriver avant aux États-Unis et probablement au Canada et au Québec. Cela aurait pu m’arriver à moi.
Vous avez dédié le même texte à Mamadi Camara, qui a été arrêté pour un crime qu’il n’a pas commis. Est-ce qu’il l’a été parce qu’il est noir ?
Moi, je serais porté à dire que sa couleur de peau a joué, mais en réalité je ne le sais pas. Quand on voit un événement comme celui-là, c’est désolant. Passer six jours en prison quand on n’a rien fait, c’est inacceptable.
Est-ce que vous êtes d’abord noir et ensuite poète?
Je suis un artiste à part entière. Mon plaisir à la base, c’est écrire des textes qui m’inspirent et après je ne pense pas au fait que je sois noir. Oui, j’en suis un, mais un texte comme celui sur George Floyd, je n’en écris pas tout le temps.
Donc la couleur n’est pas un sujet central dans vos textes?
Ce n’est pas la question noire qui est abordée, c’est le vivre ensemble. C’est quelque chose à laquelle je crois. C’est pour cela que j’aime écrire dessus. Ça me fait aussi du bien d’en parler. C’est peut-être un rêve utopiste, mais en tous les cas en partageant des textes comme cela, on peut arriver à l’égalité entre les personnes.
Le slam n’est-il pas aussi un discours?
C’est un discours un peu artistique, avec des rimes et des jeux de mots, mais il y a un message qui est porté à travers mes textes.
Est-ce que la société ne regarde pas d’abord la couleur de peau?
Quand je regarde la télé, je souhaite que les acteurs ou les actrices noires soient choisis pour un rôle, parce qu’ils ou elles savent jouer et pas pour leur couleur de peau. Nous sommes des personnes à part entière.
Est-ce que nous sommes en voie d’atteindre cette égalité?
Je pense qu’il y a un travail qui se fait actuellement. Je le vois beaucoup cette année. C’est ce que je veux mettre de l’avant avec mes textes. Il faut continuer.