Ahuntsic-Cartierville

À la recherche de la cloche de la Visitation

Jocelyn Duff a retrouvé la cloche de Fort-Lorette à Rivière-du-Loup.

Après plusieurs mois d’investigation, Jocelyn Duff, architecte et membre de la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville, a retrouvé la cloche patrimoniale qui fut celle de Fort-Lorette dans la collection d’un recycleur de métaux. Il a interpellé les autorités publiques et espère qu’elles agiront pour la récupérer avant qu’elle ne disparaisse dans une collection privée à l’étranger.

Où a commencé cette enquête sur la cloche de la Visitation?

Je discutais avec les gens de la fabrique lors d’une journée porte ouverte à l’église un dimanche d’été en 2019. Il y’avait là un vieux dépliant sur le 250e anniversaire de la paroisse et on lisait, “voici la cloche d’avant la paroisse avec une photo floue en noir et blanc des années 1980”. Les gens de la paroisse m’ont dit qu’elle avait disparu. Elle n’était plus sur les radars en 1990. C’est de là que sont parties les recherches.

Où l’avez-vous retrouvée?

Elle est à Rivière-du-Loup. Elle a été rachetée en 2003 par Jean-Marie Bastille chez un brocanteur à Québec.
Bastille possédait une entreprise de recyclage des métaux et il avait commencé une collection de cloches [600 cloches et carillons] depuis très longtemps. Elles sont exposées dans un jardin. Cela a été fermé à son décès en 2015.

Comment avez-vous su qu’elle était chez lui?

J’avais pu avoir le catalogue de leur exposition. C’était extraordinaire parce que j’ai pu comparer avec mes vieilles photos et c’était elle.
Elle est plus vieille que l’église de la Visitation qui a été ouverte en 1751. La fondation de la paroisse remonte à 1736. La cloche date de 1732.

Comment connait-on sa date de fabrication?

C’est écrit dessus, Le Moyne m’a fait l’an 1732. Le Moyne, c’est un fondeur français dans la région de Saumure.
En fait, quand on changeait de cloche, on donnait l’ancienne qui était fondue et on avait alors un meilleur prix pour la nouvelle. Donc, il n’existe presque plus de cloche de ce genre. C’est un coup de chance inouï qu’elle ait été conservée.

A-t-elle servi à l’église?

Elle était à la chapelle de Fort-Lorette. Nous avons un témoignage fantastique du naturaliste suédois Pehr Kalm qui a visité le Sault-au-Récollet en 1749. Il signale que la chapelle est en mauvais état, mais elle est bien décorée. Il est certain qu’il y a des choses qui ont été transportées dans la nouvelle église.

Dans un document de la fin du 19e siècle, le curé Charles Philippe Beaubien raconte qu’il l’avait retrouvée dans les rebuts, derrière l’église. Cela va déjà mal pour elle.

Pourquoi on s’en est débarrassé?

Elle n’entrait plus dans le double clocher qui a été aménagé en 1851. Son timbre ne convenait plus. Il fallait qu’elle sonne d’une certaine façon.

Elle a été donnée ensuite au clocher à côté, chez les frères de Saint-Gabriel qui l’avaient installée à la fin du 19e siècle à l’internat pour les garçons, là où se trouve le CHSLD Laurendeau. Elle y est restée jusque dans les années 1970 quand leur édifice a été démoli. Elle a été exposée au Collège Beaubois, à Pierrefonds. Parfois. Elle était prêtée à la Visitation pour certains événements.

C’est au Collège qu’on a perdu sa trace?

On a dit qu’elle a été volée, mais il n’y a jamais eu de plainte formelle.

Quel a été son parcours pour atterrir à Rivière-du-Loup?

Elle a été à Trois-Rivières. J’avais envoyé des messages à différentes personnes, un peu au hasard et par intuition. J’essayais de croiser des noms. Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidé. Au début de 2020, j’ai reçu un appel de la Sureté du Québec me disant qu’une dame a dit que son mari avait été détenteur de la cloche durant un bout de temps et qu’elle se l’est fait voler au début des années 2000, à la mort de son époux.

Maintenant qu’on sait où elle est, que faut-il faire?

Il faut qu’elle retourne à son lieu d’origine c’est-à-dire dans le Sault-au-Récollet. Ce n’est pas une bicyclette qui a été volée. C’est la plus vieille cloche de Montréal. Elle date de l’époque de la Nouvelle-France. C’est la troisième plus ancienne du Canada. Elle était à Fort-Lorette, un des lieux fondateurs de Montréal.

Est-ce que son propriétaire est prêt à la donner?

Le détenteur actuel veut vendre sa collection au complet. On risque de la voir partir à l’étranger. C’est sérieux. Il y a un marché en France. Leurs cloches ont été saisies par les nazis et ils en ont fait des munitions. La fonderie Pacard qui a un beau musée à Annecy a déjà acheté des cloches françaises. Des collectionneurs américains peuvent être intéressés.

Comment éviter cela?

Il faut un classement. Cela empêchera qu’elle sorte du Québec. Le ministère de la Culture est au courant. La Ville et l’arrondissement veulent en savoir plus.

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