Des inscriptions accompagnant la statue d’Ahuntsic située à l’église de La-Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie ont été recouvertes par la paroisse en raison de leur caractère «raciste et erroné».
«La paix sociale passe avant tout, affirme Patrick Goulet, membre du conseil d’administration de la paroisse. Nous aussi, nous sommes très mal à l’aise par rapport au texte. Il est absolument dépassé. Ça heurte et choque les esprits, avec raison.»
Une des inscriptions sur cette statue mentionne qu’Ahuntsic a été «tué par de méchants Hurons» alors que la seconde qualifie ces derniers de «barbares».
Recouvrir ces inscriptions sur la statue d’Ahuntsic a pour but de prévenir des actes de vandalisme comme ceux qui ont eu lieu auparavant. Une démarche déjà entreprise par la paroisse l’an dernier, mais qui n’avait duré que quelques semaines.
«On s’est rendu compte que le plus important, c’était d’expliquer aux gens l’évolution de la société et le chemin parcouru et qu’on n’oublie pas le passé, explique le marguillier. C’est important de bien connaître son histoire pour éviter de reproduire les erreurs du passé.»
«Les statues n’enseignent pas l’histoire»
Même s’il estime que les statues représentent «un témoignage d’une époque», Stéphane Tessier, conteur, animateur-historique, guide et chercheur, est d’avis que l’histoire ne s’enseigne pas par celles-ci.
«Ça sert à honorer des personnages, mentionne-t-il. Et il n’y a rien d’honorant à dire que les Hurons étaient des sauvages et des barbares.»
Selon lui, il faut remplacer l’écriteau.
Ça mériterait une plaque de 2022 et probablement qu’en 3022, on trouvera cette plaque débile puis on la changera. Les sciences sociales évoluent et changent, en même temps que les sociétés, les discours puis les débats dans la scène démocratique.
Stéphane Tessier, conteur, animateur-historique, guide et chercheur
Patrick Goulet suggère plutôt une autre option. «Il faut une autre plaque pour contextualiser, soutient-il. C’est une autre époque, un autre langage, on ne peut pas exiger que tout le monde fasse les nuances et nous ne sommes pas toujours là pour expliquer [le contexte], alors on a préféré recouvrir le texte en attendant.»
«Le mot sauvage, par exemple, pour les ancêtres du 18e siècle, ça voulait dire habitant de la forêt», précise-t-il.
L’étymologie du terme, qui impliquait selon lui une grande admiration de la part des Français pour les personnes capables de vivre en forêt, a été oubliée.
Une compétence gouvernementale
La statue étant classée comme bien patrimonial relavant du ministère de la Culture, le texte ne peut pas être modifié. Mais, selon Patrick Goulet, une nouvelle plaque sera posée auprès de la statue d’Ahuntsic en collaboration avec les instances gouvernementales: le ministère de la Culture, le conseil du patrimoine religieux du Québec et la société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville.
Une histoire à éclaircir
Ahuntsic ou «Auhaitsique», qui signifie «petit, vif et frétillant» en langue huronne, était un jeune français qui voyageait avec le père récollet Nicolas Viel. Ces deux hommes se sont noyés sur la rivière des Prairies, au nord de l’île de Montréal, à l’endroit qui est désormais nommé Sault-au-Récollet, en mémoire de Nicolas Viel.
Accident ou meurtre? C’est la grande question qui a obsédé les esprits pendant plus de trois siècles. Certains auteurs décrivent en effet l’événement comme un meurtre de la part des Hurons qui les accompagnaient. Pourtant, des recherches menées par les historiens, chercheurs et professeurs émérites canadiens Marcel Trudel et Lucien Campeau expliquent cet événement sous un tout autre angle.
La légende aurait selon eux été inventée par le chef algonquin Tessouat. Ce dernier aurait souhaité décourager les Français de se rendre dans la région des Grands Lacs.