Le Plateau-Mont-Royal

Le succès grandissant de la BD québécoise

Après avoir connue des années difficiles, la bande dessinée francophone québécoise vit un renouveau dans la province et dans la Francophonie. Finies les BD dédiées exclusivement aux jeunes, celles d’aujourd’hui touchent un public plus large, qui en redemande.

Apparue dans les journaux du Québec au début des années 1900 sous l’influence américaine et européenne, la BD a connu tout au long du XXe siècle des hauts et des bas. Elle connaît finalement un renouveau à la fin des années 1960, pour subir un nouveau creux dans les années 1990.

L’arrivée des magazines comme Croc, mensuel d’humour satirique et de BD publié à Montréal de 1979 à 1995 et Titanic, revue mensuelle consacrée totalement au neuvième art publié entre 1983 et 1984, fera place à une BD «plus underground» dans les années 1990, explique Thomas-Louis Côté, directeur général depuis 13 ans du Festival de la BD de Québec.

«La fin des années 90 est un moment clef, car les maisons d’édition comme La Pastèque et Mécanique Générale naissent et donnent la chance à des auteurs d’être enfin publiés au Québec avec des BD moins faciles à placer», indique-t-il, pensant à Michel Rabagliati, auteur de la série des Paul dès 1999.

Des BD intimistes et plus personnelles sont ainsi publiées alors qu’elles étaient moins présentes dans les magazines Croc ou Safarir, publication qui touche plutôt un public jeune, avec un humour bon enfant et moins politisé.

La bande dessinée s’est clairement bâti une place au Québec depuis 2000, mais aussi à l’international, notamment avec la BD d’auteur et grâce à l’arrivée du web avec la multitude de forums et de blogues. «Cela a facilité les rapports entre éditeurs et auteurs, ainsi qu’entre les auteurs et le public», commente Thomas-Louis Côté.

Progression de la production

Le Québec vit une époque d’âge d’or de la BD actuellement selon François Mayeux, président du Festival de BD de Montréal. «On constate une progression de la production depuis les années 2000. Aujourd’hui, on compte plus de 5000 BD en langue française, alors qu’il y en avait environ 400 dans les années 1980 et la production québécoise suit la même tendance», précise-t-il.

Le succès de la BD se doit aussi au fait qu’elle est mieux diffusée qu’il y a 20 ans, remarque-t-il. Aujourd’hui, les BD sont en effet présentes dans les bibliothèques municipales, dans les écoles et les médias en parlent davantage.

Côté éducation, la série des Paul a été la première bande dessinée à intégrer les écoles, ce qui a permis par la suite à Maus d’y être proposée à son tour, tout comme Persepolis, et L’arabe du futur.

«J’ai un peu ouvert la porte en BD au Québec pour les éducateurs. Tout d’un coup, elle était prise au sérieux, on la considérait dans les classes. On lit plus Popeye et Superman, mais aussi des bandes dessinées sur des sujets intéressants et pointus comme la guerre ou l’holocauste», souligne l’auteur Michel Rabagliati.

François Mayeux avance que la BD était autrefois souvent vue comme une lecture pour ado: «ce n’était pas quelque chose de noble ou d’encouragé. Aujourd’hui, tout le monde en lit, autant les hommes que les femmes, ce qui n’était pas le cas avant.»

Michel Rabagliati et Frédéric Gauthier

La bande dessinée s’adressait effectivement à un public d’homme, pas à une clientèle féminine. «Avec Paul, je pensais que je m’adressais à un lecteur de mon âge. Finalement la BD a touché tout le monde, mais surtout des femmes», explique Michel Rabagliati.

Frédéric Gauthier, cofondateur de la maison d’édition La Pastèque avance pour sa part que le lectorat québécois est très curieux et très avide d’essayer des lectures différentes: «les gens ne sont pas cantonnés dans des styles, ils sont près à essayer plein de choses on le voit dans les salons, ils sont avides de nouveautés.»

La popularité et la place de la bande dessinée dans la province se remarquent également par les nombreux prix reçus par les auteurs, comme dernièrement  Julie Rocheleau, qui a remporté le Prix des libraires 2018 pour la bande dessinée Betty Boob.

Les Festivals de BD

Les Festivals de bandes dessinées existent désormais un peu partout dans la province, comme à Québec, Sherbrooke, Prévost, Gatineau, Shawinigan et Montréal.

Le Festival de la BD de la ville de Québec a mis en place cette année sa 31e édition, accueillant de plus en plus de bédéistes. «Le nombre d’auteurs a explosé. On est passé d’une trentaine d’auteurs québécois à 120 aujourd’hui, et 20 auteurs internationaux», précise Thomas-Louis Côté.

De son côté, le 7e Festival de BD de Montréal a lieu cette fin de semaine, les 25, 26 et 27 mai à l’Espace La Fontaine dans le parc La Fontaine. Plus de 10 000 personnes sont attendues pour rencontrer 160 auteurs, dont 120 Québécois. Cet événement gratuit est ouvert à toute la famille. Petits et grands pourront rencontrer les auteurs, assister à des conférences, expositions et prestations.

Bandes dessinées les plus populaires au Québec :
  • L’Agent Jean d’Alex A
  • La série des Paul de Michel Rabagliati
  • Les Nombrils de Dubuc et Delaf
  • Les Chroniques de Guy Delisle

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