Le débordement dans les urgences de l’est de Montréal est inquiétant, mais la situation est particulièrement critique à l’Hôpital Santa Cabrini. Après une éclosion de COVID-19 le 6 avril, dans l’une des unités d’hospitalisation, on apprenait hier qu’une septuagénaire a passé neuf jours sur une civière à l’urgence.
Cette attente de plus de 200 heures qualifiée d’«exceptionnelle» par le porte-parole du CIUSSS de l’Est-de-l’île-de-Montréal, Christian Merciari, s’expliquerait par la fermeture actuelle de l’unité en éclosion et la pénurie de main-d’œuvre.
Pour le représentant du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier, il est inhumain de laisser des personnes âgées aussi longtemps sur des civières à l’urgence.
«En temps normal, dans les urgences, on tient des statistiques des séjours de 24h et plus et de 48h et plus. Au-dessus de 48h, c’est déjà catastrophique», ajoute-t-il.
En date du 15 avril, l’éclosion à l’Hôpital Santa-Cabrini concernait 19 patients, selon le CIUSSS. M. Merciari explique que l’unité touchée ne peut actuellement admettre de nouveaux patients, car, «une fois une éclosion déclarée, l’unité est considérée en éclosion pour une durée de 28 jours.»
Pourtant, M. Cloutier affirme que les patients de l’unité touchée ont été transférés dans une unité COVID.
«On a vidé complètement l’unité 2-C pour la désinfecter afin de pouvoir y réintégrer des patients. Sauf qu’une fois la désinfection faite, certains gestionnaires du CIUSSS ont décidé de laisser cette unité fermée pour des raisons que j’ignore, ce qui vient ajouter aux quelques 200 lits qui sont déjà fermés dans l’est de Montréal.»
L’unité 2-C représente une trentaine de lits, selon M. Cloutier.
«Même si je réglais mon problème de pénurie de personnel, ces 200 lits font que les urgences sont condamnées à être toujours débordées», déplore-t-il.
Des départs constants
Les conditions sont rendues tellement difficiles que les gens quittent leur poste constamment, raconte M. Cloutier.
«Une infirmière qui travaille à Maisonneuve-Rosemont qui est gardé en temps supplémentaire obligatoire trois fois par semaine, pourquoi n’irait-elle pas travailler au CHUM avec un bel horaire stable?»
Des données fournies par le CIUSSS en août 2020 indiquaient que 249 départs d’employés réguliers du personnel infirmier ont eu lieu entre le 15 mars 2020 et le 1er juillet 2020, incluants démissions, décès, congédiements et autres.
Il n’a pas été possible d’obtenir du CIUSSS des chiffres pour les derniers mois, mais selon M. Cloutier, «on est sur un bilan négatif d’à peu près 25 infirmières de moins par mois, qui se rajoutent à toutes celles qu’on a perdues pendant l’année COVID.»
Récemment, des infirmières du bloc opératoire de Maisonneuve-Rosemont et de Santa Cabrini ont d’ailleurs menacé de démissionner «quand le CIUSSS voulait un peu abaisser les standards de qualité au bloc opératoire et embaucher des non professionnels», explique-t-il.
Lorsqu’on lui demande si ce ne serait pas un bon moyen de contrer la pénurie de personnel, M. Cloutier affirme qu’il y a de la place pour tout le monde dans le réseau de la santé
«Il y a plein de tâches qui peuvent leur être octroyées. Par contre, pour ce qu’on appelle « l’interne du bloc opératoire », on croit que ça prend des professionnels en soin pour être dans ces environnements.»
Pratiquant à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, la présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, Judy Morris, explique que tout le réseau est sous tension et que la pénurie de personnel touche tout le monde, mais elle qualifie la situation dans l’est de Montréal de «terrible».
«Dans l’est, je crains pour les prochaines étapes, parce leur personnel va se brûler, à continuer comme ça.»
Selon les chiffres d’Index-Santé du 16 avril, le taux d’occupation des civières de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont était de 154%, tandis que celui de Santa Cabrini était de 124% (la moyenne à Montréal est de 113%). Trois patients ont passé plus de 48h sur une civière à l’urgence de Maisonneuve-Rosemont, et huit à Santa Cabrini.