Trente ans presque jour pour jour après être entré au poste de police de Montréal-Nord, Pierre Allard remet son arme de service et son uniforme. L’heure de la retraite a sonné pour l’agent sociocommunautaire bien connu du quartier, qui n’a d’ailleurs pas l’intention de s’en aller bien loin.
Pierre Allard a foulé pour la première fois le sol du poste de police du boulevard Henri-Bourassa comme stagiaire, avant d’être embauché le 27 avril 1992. Montréal-Nord était alors une ville à part entière et le poste de quartier 39 n’existait pas; on parlait alors du district 45.
Le quartier où il a choisi de travailler comme jeune policier, M. Allard n’a jamais voulu le quitter, pas plus qu’il n’a voulu devenir sergent ou lieutenant. C’est sur le terrain, dans les écoles et auprès des jeunes qu’il se sent utile.
«J’ai fait le choix de rester agent. Je trouvais que je rapportais plus à la communauté», explique celui dont le père était sergent-détective et le frère, inspecteur-chef.
Les gens me disent “tu travailles à Montréal-Nord, t’es fou”. Mais c’est la meilleure place où travailler! […] Beaucoup de policiers partent et reviennent, c’est tellement riche culturellement.
Pierre Allard
Du téléphone aux réseaux sociaux
L’agent de terrain a rencontré des centaines de jeunes de l’arrondissement dans le cadre de ses tournées dans les écoles primaires et secondaires. Il a les larmes aux yeux quand il évoque l’impact qu’il a eu dans la vie de certains, qu’il considère presque comme ses propres enfants.
Et il devient intarissable lorsqu’il parle de l’effet de l’arrivée des réseaux sociaux dans leur vie.
«Il y a des menaces, des propos haineux, il faut leur faire prendre conscience que ce qu’on met là-dessus, c’est public. On leur demande qui a 12 ans dans la classe et on leur dit que c’est à partir de cet âge-là que le Code criminel te tient responsable de tes paroles et tes gestes», souligne l’agent.
«Je me considère chanceux. Quand j’avais leur âge, il n’y avait pas les réseaux sociaux. Quand je me chicanais avec un ami, c’était le téléphone fixe. Quand on pitonne, ça laisse place à l’interprétation», dit-il.
À la défense de Montréal-Nord
Pierre Allard soupire d’exaspération dès qu’il est question de la réputation de Montréal-Nord et de son traitement médiatique.
«Ce qui est vendeur, ce sont les mauvaises nouvelles. On parle rarement des bons coups, des choses constructives que les organismes communautaires font», s’indigne-t-il.
La mort de Fredy Villanueva sous les balles de l’agent Jean-Loup Lapointe, en 2008, n’a pas aidé, selon lui. Il estime qu’elle a servi de catalyseur à toutes sortes de frustrations.
«C’est comme si on avait oublié les choses qu’on faisait déjà pour améliorer la vie de quartier, qu’on repartait à zéro. On a travaillé fort pour regagner la confiance», laisse-t-il tomber.
Du PDQ 39 à l’école Henri-Bourassa
En quittant le poste de quartier 39, l’agent Pierre Allard quitte une «famille» de collègues et un métier qui le passionne.
Mais les jeunes de Montréal-Nord, il n’est pas encore prêt à les abandonner. À la rentrée scolaire l’automne prochain, il reverra certains de ses «cocos» de sixième année à l’école secondaire Henri-Bourassa, comme policier retraité.
«Je reviens à la fin de l’été, mais pas en uniforme. Je vais travailler avec des gens avec qui j’ai réglé bien des dossiers. Mon expérience de trente ans comme policier va pouvoir servir», conclut-il.