Subir une opération chirurgicale peut ressembler à un voyage… un mauvais voyage. La veille d’une intervention chirurgicale, il faut faire sa valise, se soumettre à une batterie de tests médicaux, s’installer dans une chambre au décor austère pour y passer une nuit sans sommeil… Mais depuis de nombreuses années, l’Institut de cardiologie (ICM) s’efforce de créer des pratiques cliniques plus centrées sur le patient tout en réduisant la durée des hospitalisations.
«On est passé de cinq à six jours d’hospitalisation à trois ou quatre jours. C’est déjà beaucoup, souligne d’entrée de jeu l’infirmière-chef de l’unité des soins intensifs chirurgicaux de l’ICM, Amélie Brasiola. Chaque journée sauvée équivaut à peu près à 7000$. Donc, dans la dernière année, on a économisé plus ou moins 4 M$.»
Ces bénéfices, l’ICM peut en profiter grâce à son implantation avant-gardiste du programme américain ERACS, une série de recommandations à intégrer dans le continuum de la chirurgie cardiaque vers un «rétablissement amélioré du patient après la chirurgie».
L’ensemble du personnel médical – physiothérapeutes, inhalothérapeutes, infirmières, médecins, chirurgiens, préposés aux bénéficiaires – a participé au projet dès sa genèse, pour mieux cibler les pratiques cliniques à délaisser et celles à favoriser tout au long du parcours chirurgical, en cohérence avec les lignes directrices du programme.
Ainsi, fini le temps où le patient était admis à l’hôpital la veille pour se faire opérer le lendemain, en plus de devoir être maintenu à jeun.
«On s’est rendu compte que ce n’était pas tant bénéfique. Maintenant, le patient arrive le matin même avec sa valise et on termine les prises de sang et tout ce qu’il y a à faire avant la chirurgie. Donc, le patient a dormi toute la nuit à la maison et il est bien reposé. On lui donne une solution le matin pour éviter qu’il ait soif ou faim durant la journée et lorsqu’il se réveille par la suite», illustre Amélie Brasiola.
Plus vite sur ses pieds, plus vite reparti
Favoriser la mobilisation du patient est un autre pilier du programme. Comment? Par des actions relativement simples en soi et peu coûteuses, mais qui nécessitent une collaboration médicale et un changement des mentalités.
Ainsi, au lieu de «rouler le patient sur une civière au bloc opératoire, il peut juste y aller à pied, explique l’infirmière en chef. Hier, un patient a été opéré. Ce matin, ça faisait trois fois qu’il avait été levé et installé au fauteuil et il avait déjà fait une première marche.»
L’ICM, précurseur et influent
Dans un contexte de congestion hospitalière et de pénurie de ressources, l’optimisation des processus d’hospitalisation a, dans les dernières années, permis à l’ICM «d’opérer davantage de patients avec le même nombre de lits aux soins intensifs».
Les résultats probants ont d’ailleurs suscité beaucoup d’intérêt auprès d’autres centres hospitaliers au Québec, mais également sur le continent européen. L’ICM a ainsi récemment accueilli une délégation hospitalière de Bordeaux, désireuse elle aussi d’établir des pratiques similaires dans son réseau de santé.
«Ils sont venus voir comment on arrive à des durées moyennes de séjours raccourcis tout en gardant la sécurité des patients et en n’ayant pas plus de retours à l’urgence parce qu’ils sont partis plus tôt, explique Amélie Brasiola. Eux, ils ont des durées moyennes de séjour très longues, soit sept à dix jours, avec des patients qui vont se retrouver parfois dans des maisons de rétablissement par la suite. Nous, nos patients retournent à la maison.»