Étant clown, Shally Julie Messier exerce aujourd’hui son métier de rêve. Vous ne la verrez toutefois pas à l’œuvre dans une production du Cirque du Soleil, mais plutôt dans les ruelles de Montréal ou les hôpitaux comme clown thérapeutique.
La Rosepatrienne a pu abandonner complètement son ancien métier d’éducatrice à l’enfance qui, même s’il semble ne pas avoir grand-chose en commun avec sa vocation, cultivait son « cœur de clown », raconte Shally, attablée dans un café rue Masson en entrevue avec Métro.
Clown de proximité
Ses études en animation et recherche culturelles, ses cours de relation d’aide et ceux de soins palliatifs ainsi que ses séances chez des psy ont grandement nourri le personnage de Shally Julie Messier qui, à titre de clown relationnelle, a œuvré tant en CHSLD qu’au centre de soins palliatifs pour enfants Le Phare.
Aujourd’hui, l’un des projets qui lui tiennent le plus à cœur est le « Cabinez de psy », un bureau de consultation ludique égayant festivals et événements de tout acabit, mais qui laisse également de la place à la vulnérabilité.
« C’est du théâtre improvisé selon l’énergie de la personne », explique Shally, qui revêt le nez rouge de la « pep-psychologue » Jasette, qui accueille les confidences et insuffle de la vitalité à ses « patient.e.s ».
À ses côtés, les clowns Catherine-Alexandre Briand et Julie Morisod incarnent la secrétaire Denise et l’employée en réinsertion sociale Luce Sansaveur.
« C’est fou, les confidences qu’on peut avoir », dit celle qui préfère la proximité avec les gens à la scène.
Car de la scène, elle en fait, participant notamment aux cabarets artistiques « flyés » du Café Cléopâtre, au centre-ville.
Au fil de ses foisonnants projets, elle n’a jamais cessé de se produire en festivals, où tout a commencé pour elle. C’est d’ailleurs là qu’a émergé le caractère féministe de son clown, en réponse aux « méchants loups » qui s’immisçaient dans les événements underground axés sur le bien-être où elle a fait ses premières armes.
Malgré eux, elle se réjouit que son art déambulatoire l’amène à faire des rencontres impromptues qui peuvent « apaiser une souffrance ou une solitude », souligne Shally, qui met son aptitude à tisser des liens au profit du Festival des clowns de Montréal.
Douceur et cœur ouvert
Shally Julie Messier, qui se décrit comme une médiatrice de paix, parlera souvent de douceur et de cœur ouvert durant l’entrevue.
« Le clown est dans le moment présent et rend l’univers dans lequel il est magique. Il éveille le cœur d’enfant », expose-t-elle, le comparant aux premières personnes qui s’élancent sur un plancher de danse. « Il rallie par son humanité et sa vulnérabilité, il parle à tout le monde. Il a cette espèce de mission de créer des liens. » Mission dont s’est investie l’artiste aux tenues colorées et funky.
Le clown intérieur de Shally, qui a été cette écolière comique qui interrompait les enseignant.e.s et blaguait à la ronde, vibrait depuis longtemps, mais l’assumer pleinement est arrivé plus tard.
Son personnage est né de sa lecture du roman Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué de Howard Buten. « J’ai été tellement inspirée par son langage d’enfant. Ce regard naïf sur la vie m’a fait tellement de bien », se souvient-elle. Et qu’a-t-elle découvert des années plus tard? Que l’auteur était lui-même clown thérapeutique.
Son déficit de l’attention a lui aussi joué un rôle sur le clown qu’elle est devenue. « Quand j’en ai pris conscience, j’ai voulu comprendre ce qui se passe dans mes neurones. Ça m’a permis de mieux comprendre l’humain et moi-même », analyse Shally.
Son entrain débordant, sa spontanéité, sa facilité à socialiser et son désir d’amour ont pris tout leur sens lorsqu’elle est devenue clown « pour vrai ». « Je me suis dit que ce n’était pas pour rien que j’étais comme ça », affirme-t-elle.
En cabaret comme à l’hôpital, son personnage préserve son essence, mais l’extrapole, adaptant son « niveau de piquant » aux humain.e.s l’entourant.
« Ma clown joue à être, elle peut être ce qu’elle veut. Il va lui arriver des accidents, parce que c’est important, dans le clown, d’avoir des accidents, qu’on assume et qu’on grossit. Le clown dépasse les limites, va trop loin. Il dérange, il dénonce. » Sans pour autant que cela l’empêche de prôner la douceur et l’écoute.