L’exposition Les Jumeaux du CARI au Musée des maîtres et artisans du Québec, à Saint-Laurent, regroupe les œuvres d’une Québécoise d’origine argentine et d’immigrants nouvellement arrivés.
Pour cette 20e exposition, des artistes de l’Iran, la Syrie et Cuba côtoient Patricia David, ici depuis 1980. Elle avait quitté l’Argentine pour échapper à la dictature militaire. Cette ex-bijoutière fait aujourd’hui de la mosaïque sur verre.
«Je suis heureuse grâce à mon art. Tous les matins, je me lève, fière d’aller à mon atelier», dit la dame au regard d’un bleu perçant.
Depuis 2003, le Centre d’accueil et référence sociale et économique pour immigrants (CARI) St-Laurent donne la chance à des artistes venus se réfugier dans la quiétude québécoise d’exposer leurs œuvres dans un musée de leur nouvelle terre d’accueil.
Repeindre sa vie
L’Iranienne Aghigh Ranjbar est arrivée en 2016. Elle a adapté un art traditionnel de son pays, la marqueterie. Elle découpe et colle des milliers de morceaux de bois pour en faire des toiles. Chacune nécessite une année de travail.
Celles de Marie Jananji, notamment en aquarelle ou au fusain, dépeignent ses souvenirs de la Syrie, d’où elle a fui en 2015. «Je n’ai eu le temps que de fermer ma maison. J’ai encore la nostalgie d’Alep. C’était une très jolie ville», raconte-t-elle.
Pour ce qui est du Cubain Yasser Gonzales Vasallo, vivant à Montréal depuis deux ans, il a abandonné sa carrière d’avocat pour devenir artiste-peintre.
S’exprimer par l’art au pays de Fidel n’était pas de tout repos. L’une de ses toiles, le poulet-poisson, a d’ailleurs failli lui coûter sa liberté. «À Cuba, on ne peut pas manger le poisson. Ils sont réservés aux touristes et à l’exportation. Ma toile a été vue comme une critique du système», fait-il valoir.
Valorisation
L’exposition permet à chacun de pouvoir non seulement s’exprimer, mais aussi de s’intégrer. «Ça les valorise et les aide à s’ouvrir à la culture québécoise. Ils s’épanouissent et ils rencontrent d’autres artistes», explique Kheïra Araf, intervenante de longue date au CARI St-Laurent.
C’est aussi une façon d’étoffer de façon significative leur feuille de route et leur curriculum artistique croit le directeur du musée, Pierre Wilson.
«Ils amènent une richesse incroyable à notre culture. Il faut leur faire une place», soutient celui qui est très sensible au sort des artistes immigrants.
Son Musée des maîtres et artisans du Québec est très symbolique. Cette ancienne chapelle de l’église St-Paul a été démontée en pièce détachée dans les années 1930 pour être rebâtie au Collège Saint-Laurent. Comme quoi être déraciné ne signifie pas ne plus avoir d’avenir.
Il est à prévoir qu’entre 1 000 et 1 200 personnes verront les œuvres des quatre artistes d’ici la fin de l’exposition, le 7 janvier.
Les Jumeaux du CARI au Musée des maîtres et artisans du Québec (615, avenue Sainte-Croix). Ouvert du mercredi au dimanche de 12h à 17h. Pour plus d’infos: 514 747-7367 ou mmaq.qc.ca.