Que cela soit sur la rue Notre-Dame, Wellington ou William, le Sud-Ouest comprend de nombreux commerces et restaurants locaux et variés, alors que la population de Griffintown connaît une grande augmentation selon le dernier recensement. Pourtant, certains commerces locaux font face à des hausses de loyer, ce qui les amène à déménager ou à fermer leurs portes, laissant parfois des espaces vacants.
Cette effervescence pour le Sud-Ouest a un impact significatif sur le prix des loyers commerciaux, à l’image de la hausse du coût des logements.
Il y a trois ans, l’immeuble de la boutique le Karibu a été racheté par des promoteurs immobiliers, qui ont doublé le loyer du commerce. Dans l’impossibilité de payer plusieurs milliers de dollars en plus chaque mois, la boutique a alors été obligée de trouver un nouveau local sur la rue Notre-Dame, comme l’explique la copropriétaire de la boutique le Karibu, Émilie Bordat.
C’est comme le Far West au niveau des biens commerciaux et de la location. C’est vraiment le propriétaire qui va définir le loyer […] en tant que petit commerce de proximité, je ne pouvais pas aller à des taux de loyers aussi haut.
Émilie Bordat
La pandémie n’a pas été des plus favorables pour les commerces locaux, qui ont dû fermer à de multiples reprises en raison des restrictions sanitaires. Pour certains, la pandémie a aggravé le problème et provoqué une fermeture définitive.
C’est le cas du restaurant Grumman’78, jadis situé sur la rue De Courcelle à Saint-Henri, qui a fermé ses portes en octobre 2020.
«Quand on a loué l’espace en 2010, on payait 3000 $ de loyer par mois. Au bout de trois ans, on a eu une augmentation de 30% et trois ans après, une nouvelle augmentation de 30%, et encore l’année d’après. Donc, au bout de 10 ans, notre loyer avait triplé et on se retrouvait à payer 10 000 $ par mois», explique l’ancienne propriétaire du Grumman’78, Gaëlle Cerf.
Quand la pandémie a frappé le Québec, l’absence de revenu a rendu impossible le paiement mensuel du loyer pour le restaurant.
«Il faudrait faire 200 000 $ [de chiffre d’affaires] par mois pour payer un loyer comme ça», ajoute Gaëlle Cerf.
Ces derniers mois, plusieurs commerces locaux du Sud-Ouest ont annoncé leur fermeture sans toutefois en préciser les raisons exactes, à l’instar de Lola Petite Bourgogne, de Sushi Newtown ou du Café Joe.
Peu de réglementation
Les baux commerciaux sont moins encadrés que les baux résidentiels. Faute d’un équivalent du Tribunal administratif du logement, les entrepreneurs interrogés témoignent d’un manque de ressources sur lesquelles se reposer en cas de problèmes relatifs aux loyers. Ainsi, il n’existe pas de limite d’augmentation de loyer ou d’obligation pour le propriétaire de financer les rénovations.
«La Ville et l’Arrondissement ne sont pas responsables de la location des locaux ni de la fixation des loyers. Cela revient au propriétaire du bâtiment», confirme la chargée de communication de l’Arrondissement du Sud-Ouest, Anyck Paradis.
En 2019, la Commission sur le développement économique et urbain et l’habitation de la Ville de Montréal a mené une consultation publique auprès des arrondissements de la ville. Dans le Sud-Ouest, les principaux aspects abordés par les participants concernaient la spéculation immobilière, l’augmentation des loyers et le manque de législation (durée des baux, répartition des taxes, augmentation des loyers, passation).
À la suite de cette consultation publique municipale, la Commission a proposé l’application de diverses mesures, comme l’imposition d’une taxe sur les locaux commerciaux vacants, un encadrement des baux et la création d’un registre des locaux vacants.
Ces derniers mois, la Ville a mis en place plusieurs mesures liées aux recommandations, comme le gel des taxes pour l’année 2021, un appui à la vitalité des artères commerciales et la création d’une base de données sur l’occupation des locaux commerciaux, qui devrait être disponible d’ici la fin de l’année.
Le copropriétaire de la boutique de bagels Le Trou située à Griffintown, Damien Cussac, a participé à des consultations publiques avec la Ville. Il témoigne de la volonté des commerçants de créer un équivalent du Tribunal administratif du logement pour les loyers commerciaux.
«J’aimerais ça que cela soit plus honnête sur le marché […] Ce n’est pas de l’argent que je recherche, c’est plus de protection», conclut-il.