Judy, Violet et Doralee, campées par Jane Fonda, Lily Tomlin et Dolly Parton dans le film de 1980 9 to 5, prendront vie en français dans une comédie musicale présentée au Théâtre Paradoxe, à Ville-Émard, du 16 au 18 mars.
Les artistes passionné.e.s qui composent la troupe bénévole Productions ’90, fondée en 2019, incarnent les employé.e.s de bureau évoluant autour des trois protagonistes. Celles-ci « prennent le contrôle de leur vie et font passer un mauvais quart d’heure au boss misogyne et condescendant », dit la metteuse en scène Marie-Christine Roussel, en entrevue avec Métro.
« Beaucoup de gens vont aimer le haïr », renchérit sa complice Annie Brasseur, directrice de production de la pièce. « On va aimer l’artiste derrière, mais tous les messages désagréables vont puncher! »
Film coup de cœur
Lorsque le noyau organisateur — « très girl power! », lance Marie-Christine — de la troupe cherchait la pièce qui succéderait à sa première production, Footloose, il a eu un coup de cœur pour 9 to 5, film au propos résolument féministe dont la trame sonore est composée de musiques et de paroles signées par l’autrice de Jolene.
« C’est très féministe première vague, ce qu’on n’a pas connu », fait remarquer la metteuse en scène, qui exerce le métier de réalisatrice dans la vie de tous les jours. « C’est voir le combat de nos mères, de nos grands-mères, et de voir qu’aujourd’hui, ces inégalités sont encore là. Il y a un propos très d’actualité. »
Si sa précédente pièce a pu compter sur moult chansons à succès pour rallier son public, la troupe mise cette fois-ci beaucoup sur le ton humoristique de 9 à 5, « un feu roulant de blagues », affirme Marie-Christine.
« Tout le monde peut plonger dans le moment même si les chansons sont moins connues. C’est gagnant pour notre public, qui est souvent un peu moins initié aux comédies musicales. La plupart des gens qui viennent nous connaissent et veulent nous encourager, mais n’aiment peut-être pas autant que nous ce genre », convient-elle en riant.
Trip de gang
Comme Productions ’90 désire que le plus d’artistes possible se donnent la réplique, la troupe choisit des pièces comportant un florilège de personnages, comme les multiples collègues de bureau du trio féminin et du patron machiste de 9 à 5.
Les créatrices ont eu le loisir de remanier les numéros de groupe (dont certains « impressionnants » dans 9 à 5, laisse entendre Marie-Christine) en fonction de la distribution. « Le gros de l’histoire reste le même, mais on l’adapte à ce qui fonctionne le mieux pour notre distribution », indique-t-elle.
En raison des nombreux changements de décor de 9 à 5, les membres s’activeront pratiquement autant dans les coulisses que sur scène, où l’on passera d’un lieu à l’autre, que ce soit l’aire ouverte des secrétaires, les toilettes, le bureau de l’exécrable patron, l’ascenseur ou les maisons des personnages.
Afin de passer promptement d’un décor à l’autre, l’équipe a construit d’imposantes tours mobiles aux différentes façades, un défi conceptuel en soi, relève Marie-Christine.
L’art de l’adaptation
Autre défi de taille : adapter de l’anglais au français le scénario ainsi que les nombreuses chansons de 9 to 5, dont la troupe a acheté les droits. De l’avis d’Annie et de Marie-Christine, il s’agit en fait de l’étape la plus ardue.
« Il faut que ça rime, que les mots rentrent dans la rythmique. Il y a beaucoup de trucs à prendre en compte », fait observer la metteuse en scène.
Les créatrices au cœur du projet ont voué un été entier à l’adaptation, optant pour un langage familier, idoine dans un bureau où se fomente une révolte — « ce n’est pas la bourgeoisie! », rigole Marie-Christine —, tout en tentant d’éviter au possible les anglicismes.
Troupe pas si amateur
Le professionnalisme est assurément au rendez-vous au sein de Productions ’90, organisme à but non lucratif dont les membres fondateur.trice.s ont grandi durant la décennie du grunge ou sont né.e.s durant cette période.
Au sein de la troupe, qui aspire à monter une comédie musicale par année, se côtoient tant des personnes qui travaillent au sein du milieu artistique (Velours Velours, qui participe en ce moment aux Francouvertes, est du lot!) ou dans des sphères connexes que des professionnel.le.s de l’enseignement, du travail social ou de la santé. C’est le cas d’Annie Brasseur, qui est médecin de famille.
Mais elles ont en commun la passion des arts de la scène. Et la troupe leur permet d’y laisser libre cours, peu importe leur profession. En plus, elle laisse les jeunes sortant des écoles de théâtre « camper des premiers rôles rapidement et gagner de l’expérience dans des productions d’une certaine envergure », souligne Marie-Christine Roussel.
Parlons financement…
À ses débuts, la troupe Productions ’90 a dépendu des gens qui lui ont avancé des fonds afin de lui permettre de s’acquitter des dépenses initiales, explique Annie Brasseur.
Depuis, la vente de billets constitue la principale source de revenus, et de loin, dit-elle. Parallèlement, la troupe organise des activités de financement, comme des soirées de quilles ou de karaoké. Les membres paient également une petite cotisation.
Les sommes recueillies servent à payer les droits d’auteur des œuvres originales, la location de la salle de spectacle, les costumes, les décors, la sonorisation et les éclairages.
La troupe en appelle en ce moment aux dons sur la plateforme GoFundMe.
9 à 5
16 au 18 mars
Théâtre Paradoxe
5959, boulevard Monk