«Pour qui construit-on la Ville de demain?». C’est la question qui taraude Action-Gardien, la Corporation de développement communautaire (CDC) de Pointe-Saint-Charles, dans la foulée du dévoilement par la Ville du Plan directeur de mise en valeur du secteur Bridge-Bonaventure.
Si la Corporation affirme «accueillir favorablement» – dans son ensemble – ce Plan directeur qui prévoit notamment 7600 nouveaux logements pour le Sud-Ouest et Ville-Marie, elle pointe du doigt ce qu’elle identifie comme d’importantes lacunes en ce qui a trait à la question du logement social.
Alors que l’administration Plante présentait mercredi la construction d’une nouvelle gare de Réseau express métropolitain (REM) comme étant une «condition sine qua non» au développement du secteur, Action-Gardien estime qu’il devrait en être de même pour le logement social.
«Nous souscrivons à la vision d’ensemble, qui consolide l’emploi, améliore la mobilité active et le transport collectif, prévoit un milieu de vie avec des équipements publics et collectifs, renforce l’accès aux berges et aux espaces verts. Mais le plan directeur de la Ville fait l’impasse sur une question fondamentale: la place du logement social et communautaire sur les terrains publics du bassin Peel», a fait valoir la Corporation, qui regroupe une vingtaine d’organismes.
Une occasion manquée de combattre la crise du logement
Action-Gardien estime que ce projet de valorisation du secteur Bridge-Bonaventure constitue «une occasion unique à saisir pour contribuer à résoudre la crise du logement». Les terrains publics fédéraux et provinciaux du bassin Peel appartenant à la Société immobilière du Canada (SIC) et à Loto-Québec doivent être maintenus hors du marché spéculatif, plaide le groupe.
Action-Gardien reproche à la Ville de renoncer à cette opportunité en ne faisant qu’appliquer le Règlement pour une métropole mixte (RMM). Ce dernier prévoit 20% de logements sociaux, en plus de logements abordables et familiaux.
«Il faut des cibles beaucoup plus ambitieuses ! martèle Karine Triollet, d’Action-Gardien. Et l’atteinte de ces cibles doit être une condition au développement résidentiel du secteur. En 2050, la Ville pourra être fière si elle a fait du bassin Peel un milieu de vie réellement inclusif, plutôt qu’un développement qui continuera à gentrifier nos quartiers et à repousser toujours plus loin les familles à petit et moyen revenus», affirme-t-elle.
Cela nous ramène, inlassablement, à la même question: pour qui construit-on la Ville de demain ?
Karine Triollet, de la Corporation de développement communautaire (CDC) Action-Gardien
Action-Gardien concède que les ressources et les moyens d’interventions de la Ville se heurtent à certaines limites. Le groupe dit toutefois attendre de l’administration Plante qu’elle «envoie un signal fort aux paliers fédéral et provincial sur la nécessité de se concerter pour réserver ces terrains pour du logement hors marché et des équipements collectifs».
Action-Gardien exhorte par ailleurs le gouvernement fédéral à détacher ses terrains du bassin Peel de l’obligation de rentabilité de la SIC, afin de pouvoir répondre à l’actuelle crise du logement. Le groupe appelle du même souffle les gouvernements de Québec et du Canada à «investir massivement dans le logement social et abordable à but non lucratif».
Il est crucial d’empêcher la mainmise des promoteurs sur les derniers terrains publics des quartiers centraux.
Francis Dolan, du Regroupement Information Logement (RIL).
La Corporation critique également la position prise par la Ville, qui indique que le développement du secteur s’inscrira dans la durée et qu’il se déroulera en fonction la tendance du marché immobilier.
«Pourquoi se soumettre aux logiques du marché plutôt que de promouvoir les logiques fondées sur les besoins réels de la population environnante ? Les grands promoteurs -ils l’ont démontré- privilégient le rendement financier à la satisfaction des besoins des plus vulnérables», déplore Action-Gardien.