Norman Cornett s’est donné une mission. Au cours des dernières décennies, l’ancien professeur de l’Université McGill et résident de Côte-des-Neiges a élaboré une philosophie ayant pour but de repousser les limites du système d’éducation pour qu’il puisse évoluer, grandir et progresser pour devenir une véritable collaboration entre étudiants et enseignants.
«Je me considère comme un éternel élève, indique M. Cornett. Je suis constamment en train d’apprendre. Et la question principale que je me suis posée toute ma vie est: comment pouvons-nous apprendre mieux».
C’est là une question qu’il a commencé de se poser alors qu’il était étudiant à l’Université de Californie, à Berkley, à la fin des années 1960. C’est également un questionnement qui l’a aidé à développer une approche d’enseignement non-orthodoxe, qui a fait des vagues dans les universités d’Amérique du Nord et d’Europe.
Surnommée la pédagogie dialogique, le style de M. Cornett vise à promouvoir une discussion ouverte ainsi qu’un espace créatif fluide. Dans certains de ses plus célèbres exercices, il encourage les étudiants à écouter de la musique les yeux bandés ou à écrire des réflexions décousues sur le flux de la conscience en contemplant une peinture dans une galerie d’art.
Chacune de ces sessions est immédiatement suivie d’un discours socratique, dans lequel il exhorte ses élèves à stimuler leur esprit critique et à questionner leurs présuppositions sous-jacentes.
«La chose qui définit la condition humaine est la créativité. Ce que nous devrions nous efforcer de faire en tant que pédagogues, est de développer, inciter et favoriser la créativité», souligne-t-il.
Alors qu’il enseignait à McGill, le professeur subversif a gagné le respect et la loyauté de nombreux étudiants à l’aide de son approche non-conventionnelle, mais aussi pour la qualité des invités qu’il a réussi à attirer en cours – incluant l’ancien premier ministre du Canada Paul Martin, l’ancien premier ministre du Québec Lucien Bouchard, le pianiste jazz Oliver Jones et l’acteur Ethan Hawke.
«Les professeurs devraient créer un espace pour que chaque élève puisse raconter son histoire. Je ne suis pas le seul qui ait des histoires à raconter – eux aussi en ont». – Norman Cornett, professeur
Renvoi
Le couperet est finalement tombé à l’automne 2007, quand, après 15 ans d’enseignement, le professeur d’études religieuses a été renvoyé de McGill.
La seule déclaration publique qu’a faite l’administration au sujet du renvoi a été une lettre ouverte du vice-président exécutif d’alors, Anthony Masi. Même si la lettre ne fournissait pas d’explications sur le pourquoi du renvoi, elle niait les allégations portées contre l’institution d’enseignement, qui suggéraient que McGill ne respectait pas la liberté d’expression.
«À quel point est-ce normal de s’assoir en classe et de ne rien dire pendant une, deux ou trois heures?, se demande M. Cornett. L’éducation devrait être un événement participatif dans le cadre duquel les élèves collaborent pour qu’on n’entende pas seulement qu’une voix, mais bien une chorale».
Deux ans après son renvoi, ses enseignements ont inspiré un documentaire réalisé par la cinéaste primé d’origine Abénakie, Alanis Obomsawin. Intitulé Professeur Norman Cornett: «Depuis quand ressent-on l’obligation de répondre correctement au lieu de répondre honnêtement?», le film représente un hommage qui célèbre les effets que la pédagogie dialogique a eue sur les étudiants.
Plutôt que d’abandonner sa méthode au profit de quelque chose de plus traditionnel, M. Cornett a continué d’offrir cette approche qui lui est propre avec grand succès. Depuis la sortie du film, il s’est gardé occupé en donnant des conférences comme invité dans de nombreux établissements d’enseignement à travers le monde. Encore aujourd’hui, en pleine pandémie, il donne des sessions dialogiques à l’aide de Zoom, adaptant son style au contexte virtuel.